đ° Rupture conventionnelle : quand est-ce vraiment la meilleure option ?
#43 - Comment Ă©valuer l'intĂ©rĂȘt RH & financier de recourir Ă une rupture conventionnelle ?
Au programme de cette édition :
đ Le condensĂ© de lâinfo RH en chiffres
Je vous aide Ă dĂ©crypter les chiffres qui font lâactualitĂ© afin de vous fournir des repĂšres clairs pour votre pratique RH.
đŻ Rupture conventionnelle : quand est-ce vraiment la meilleure option ?
Analyse des tendances actuelles, comparaisons avec dâautres modes de rupture et cas pratiques pour comprendre quand privilĂ©gier ce dispositif.đą Licenciement vs Rupture conventionnelle : le calcul des coĂ»ts et des risques
Un dĂ©cryptage financier et juridique pour vous aider Ă Ă©valuer objectivement lâimpact de chaque modalitĂ© sur votre entreprise.đ Bonus : Les bons rĂ©flexes pour sĂ©curiser une rupture conventionnelle
Checklist et conseils essentiels, inspirés des récentes décisions de la Cour de cassation, pour garantir une procédure rigoureuse et sécurisée.
â±ïž Temps de lecture : 16 minutes.
Pour ne rien manquer des prochaines éditions, abonnez-vous gratuitement en cliquant ici :
đ Vous pouvez accĂ©der Ă plus de mes publications en cliquant ici, ou me retrouver sur LinkedIn.
Avant de dĂ©marrer, je vous partage une ressource qui pourrait vous intĂ©resser. Elle est rĂ©alisĂ©e par Lucca, Sponsor de lâĂ©dition du jour :
Kit pratique : Comment bien gĂ©rer ses arrĂȘts de travail ?
Un arrĂȘt de travail, câest une sĂ©rie de dĂ©marches incontournables pour les Ă©quipes RH entre les formalitĂ©s Ă respecter, les documents administratifs Ă envoyer et les actions Ă anticiper pour le retour du collaborateur.
Justine Coutier, RH chez Lucca, maĂźtrise bien le sujet. Elle partage ses 6 ressources essentielles dans un kit pratique : 4 checklists pour chaque type dâarrĂȘt (avec les documents prĂȘts Ă transmettre), un modĂšle de lettre pour gĂ©rer le report des congĂ©s et une trame dâentretien pour accompagner le retour au travail. Elle livre Ă©galement ses conseils et bonnes pratiques en vidĂ©o pour une gestion sereine des arrĂȘts de travail.
Vous pouvez retrouver ces Ă©lĂ©ments en cliquant đ ici.
Bonjour Ă toutes et tous !
JâespĂšre que vous allez bien en ce dĂ©but de mois de mars. Ravi de vous retrouver pour cette nouvelle Ă©dition dâUn CoĂ»t dâAvance !
Avant dâentrer dans le vif du sujet, je voulais partager avec vous une nouveautĂ© qui pourrait grandement vous intĂ©resser : un book dâinfographies inĂ©dit sur lâimpact concret de la loi de financement de la SĂ©curitĂ© sociale 2025 pour les entreprises, et en particulier pour les dĂ©partements RH.
Ce travail a été réalisé en collaboration avec Jean-Julien JARRY, avocat associé chez Barthélémy Avocats, et propose une approche croisée RH, juridique et financiÚre, avec un format pédagogique et évolutif. Il sera mis à jour au fil des précisions et décrets à venir.
đ Ă lâoccasion du lancement, le book est disponible au tarif de 79 ⏠HT, avec en bonus 3 crĂ©dits pour accĂ©der gratuitement Ă dâautres infographies de la base du cabinet BarthĂ©lĂ©my. Vous pouvez le retrouver en cliquant đ ici.
Vous pouvez en retrouver un aperçu dans ce post Linkedin.
Nous organiserons Ă©galement un live de prĂ©sentation le lundi 10 mars Ă 13h00 pour en discuter plus en dĂ©tail et rĂ©pondre Ă vos questions. Lâinscription est gratuite, et ça se passe juste đ ici.
Je serai ravi dâavoir vos retours et questions sur ce format, afin de lâenrichir au plus prĂšs de vos besoins !
Passons maintenant au sujet du jour !
La rupture dâun contrat de travail est un moment clĂ© dans la vie dâune entreprise et dâun salariĂ©. Que ce soit pour partir ou pour faire partir, ce nâest jamais une dĂ©cision anodine. Et lorsquâune rupture conventionnelle est envisagĂ©e, la question devient encore plus sensible.
Beaucoup de dirigeants adoptent une approche de principe :
âĄïž Un salariĂ© qui veut partir ? Quâil dĂ©missionne.
âĄïž Une faute avĂ©rĂ©e ? Câest le licenciement. Point final.
Je comprends tout Ă fait cette position qui semble relever du « bon sens ». En effet, on serait tentĂ© de se dire : "je ne vais tout de mĂȘme pas payer une personne qui souhaite partir !" De mĂȘme que "je ne vais pas donner de lâargent Ă un salariĂ© alors que jâai une raison valable de le licencier".
Mais avec un regard plus pragmatique et Ă©clairĂ© sur les consĂ©quences financiĂšres, la rĂ©ponse mĂ©rite dâĂȘtre nuancĂ©e. Car oui, dans certaines situations, proposer une rupture conventionnelle peut ĂȘtre une dĂ©cision judicieuse, mĂȘme lorsquâun licenciement semble justifiĂ©.
Comment arbitrer ces choix ? Quels critĂšres prendre en compte pour dĂ©cider ? Câest ce que je vous propose dâexplorer dans cette Ă©dition, avec une approche RH, juridique et financiĂšre, et des arguments solides pour nourrir votre rĂ©flexion.
Je vous en parle plus en dĂ©tail juste aprĂšs lâinfo chiffres et RH.
đ Lâinfo RH en chiffres
đ 22,1 milliards dâeuros - Câest le dĂ©ficit prĂ©vu de la SĂ©curitĂ© sociale en 2025, selon le budget rĂ©cemment adoptĂ©. Un niveau historique hors pĂ©riode de crise. Et la tendance ne semble pas prĂšs de sâinverser : sans nouvelles mesures, ce dĂ©ficit pourrait grimper Ă 24,1 milliards dâeuros en 2028. Il faut donc sâattendre Ă de nouvelles rĂ©formes pour tenter de rééquilibrer les comptes.
đ° 600 millions dâeuros - Câest lâĂ©conomie attendue grĂące Ă la rĂ©duction du plafond des IJSS maladie (de 1,8 SMIC Ă 1,4 SMIC). Une mesure qui aura un impact direct sur le coĂ»t du maintien de salaire en entreprise et sur le financement des rĂ©gimes de prĂ©voyance. Dans le book prĂ©sentĂ© en introduction, je propose une illustration chiffrĂ©e de ces impacts pour mieux anticiper leurs consĂ©quences. Vous pouvez en retrouver un extrait en cliquant sur ce post Linkedin.
đŻ 2030 - Câest lâhorizon fixĂ© par le gouvernement aux partenaires sociaux pour rĂ©sorber le dĂ©ficit de notre systĂšme de retraites. Selon la Cour des Comptes, le systĂšme affichera encore un dĂ©ficit de 6,6 milliards dâeuros dĂšs 2025 en lâabsence de nouvelles mesures. Les nĂ©gociations des prochains mois seront donc cruciales, car elles pourraient modifier en profondeur les rĂšgles applicables aux entreprises et aux salariĂ©s.
đž 3,4 milliards - Câest le montant des primes de partage de la valeur (PPV) versĂ©es en 2024 dans le secteur privĂ©, selon lâOpen Data de lâURSSAF. Un chiffre consĂ©quent⊠mais qui risque de fortement chuter avec lâĂ©volution du rĂ©gime social de la PPV, dĂ©sormais moins avantageux pour les entreprises.
đŒ 7,1% â Câest le taux de chĂŽmage en France mĂ©tropolitaine Ă la fin du 4á” trimestre 2024, dâaprĂšs lâInsee. Une lĂ©gĂšre baisse de 0,1 point par rapport au trimestre prĂ©cĂ©dent, et de 0,2 point sur un an. Lâemploi rĂ©siste donc malgrĂ© le climat politique incertain, mais la question est de savoir si cette tendance tiendra en 2025
đ 27 % â Câest la proportion de dirigeants de TPE / PME qui envisagent dâannuler leurs embauches en 2025 en raison des incertitudes politiques selon le dernier BaromĂštre Bpifrance Le Lab - Rexecode. Un signal prĂ©occupant qui montre que, mĂȘme avec un budget adoptĂ©, le climat reste pesant sur lâemploi et les recrutements Ă venir.
đ° Rupture conventionnelle : quand est-ce vraiment la meilleure option ?
Plus dâun demi-million de ruptures conventionnelles ont Ă©tĂ© signĂ©es en 2023, et la tendance pour 2024 sâinscrit dans la mĂȘme dynamique. Selon la DARES, ce mode de rupture reprĂ©sente environ 16 % des fins de CDI (hors dĂ©part en retraite et rupture de pĂ©riode dâessai), une proportion relativement stable ces derniĂšres annĂ©es.
Ces chiffres battent en brĂšche une idĂ©e reçue tenace : non, la rupture conventionnelle nâest pas devenue le premier mode de rupture dâun contrat de travail. Beaucoup sâimaginent quâelle est systĂ©matiquement utilisĂ©e par des salariĂ©s souhaitant profiter des allocations chĂŽmage, mais la rĂ©alitĂ© est tout autre. En 2023, la dĂ©mission restait de loin le motif principal de rupture de CDI, avec prĂšs de deux millions de cas. Quant aux licenciements pour motif non-Ă©conomique, ils sont aujourdâhui quasiment Ă Ă©galitĂ© avec la rupture conventionnelle (pour les ruptures de CDI).
Ces éléments macro posés, reste une question essentielle pour chaque entreprise : quand et comment utiliser intelligemment ce dispositif ?
Sans prĂ©tendre dĂ©tenir la vĂ©ritĂ© absolue, je vais vous prĂ©senter plusieurs situations oĂč la rupture conventionnelle peut ĂȘtre une solution pertinente.
đ DĂ©part volontaire du salariĂ© : pourquoi la rupture conventionnelle peut ĂȘtre une bonne option ?
Lorsquâun salariĂ© envisage de quitter lâentreprise, il arrive souvent quâil sollicite une rupture conventionnelle. Doit-on systĂ©matiquement refuser sa demande sous prĂ©texte quâil partira de toute façon ? AprĂšs tout, pourquoi payer une personne qui souhaite partir ?
Avant de trancher, intéressons-nous aux raisons qui poussent les salariés à faire cette demande :
â BĂ©nĂ©ficier des allocations chĂŽmage : Certains salariĂ©s souhaitent sĂ©curiser une pĂ©riode de transition ou avoir une solution de repli si leur nouvelle aventure professionnelle tourne mal. Rappelons en effet quâun salariĂ© ne touche pas automatiquement le chĂŽmage sâil met fin Ă une pĂ©riode dâessai aprĂšs avoir dĂ©missionnĂ© de son prĂ©cĂ©dent poste.
â Toucher une indemnitĂ© de fin de contrat : Une prime toujours bienvenue pour bien nĂ©gocier une transition.
Vu sous cet angle, lâintĂ©rĂȘt du salariĂ© est clair, mais quel peut ĂȘtre lâintĂ©rĂȘt de lâentreprise ? Ă premiĂšre vue, aucun. Pourtant, il existe des cas oĂč proposer une rupture conventionnelle peut ĂȘtre une stratĂ©gie intelligente. Regardons le sujet plus en dĂ©tail.
1ïžâŁ Quand un salariĂ© clĂ© est difficile Ă remplacer
Il arrive quâun salariĂ© occupant une fonction stratĂ©gique, disposant dâune expertise rare ou dâune compĂ©tence spĂ©cifique difficile Ă recruter annonce son dĂ©part. MalgrĂ© les tentatives pour le retenir â revalorisation salariale, Ă©volution du poste, nouvelles missions â sa dĂ©cision est prise.
Que faire dans ce cas ?
Dans la plupart des entreprises, le premier réflexe est de laisser partir le collaborateur selon les rÚgles classiques de la démission, en respectant le préavis prévu. Or, cette approche peut rapidement poser problÚme : comment organiser la transition sans précipitation ?
PlutĂŽt que de subir un dĂ©part prĂ©cipitĂ©, une rupture conventionnelle nĂ©gociĂ©e peut sâavĂ©rer une alternative intĂ©ressante, en permettant de mieux maĂźtriser les conditions de sortie.
â Fixer un calendrier de dĂ©part adaptĂ© aux besoins de lâentreprise : PlutĂŽt que de voir le salariĂ© partir dans un dĂ©lai court, un accord peut ĂȘtre trouvĂ© pour Ă©taler son dĂ©part, le temps de recruter et former son successeur. Cela permet dâĂ©viter une perte soudaine de compĂ©tence et de minimiser lâimpact sur lâorganisation.
â Lâassocier activement Ă la transition : Dans le cadre de cette nĂ©gociation, le salariĂ© peut ĂȘtre impliquĂ© dans le recrutement et lâaccompagnement de son remplaçant. Il peut :
Aider à définir le profil idéal pour le poste,
Participer aux entretiens de recrutement,
Assurer une transmission des dossiers et des process
đŻ LâintĂ©rĂȘt pour lâentreprise ?
Un dĂ©part mieux maĂźtrisĂ©, une transition fluide, et une limitation des perturbations liĂ©es au turnover. Pour le salariĂ©, cela peut aussi ĂȘtre une opportunitĂ© : il part dans de bonnes conditions, avec une indemnitĂ© de rupture, et peut organiser sereinement la suite de son parcours. De plus, il nâest pas impossible quâil se pose la question de revenir un jour. Aussi, finir la relation de travail dans ces conditions ne pourra que laisser une image positive de lâentreprise au salariĂ© qui pourra devenir un "ambassadeur" de celle-ci.
Bien entendu, rien ne garantit que le salariĂ© accepte cette proposition, surtout sâil est pressĂ© dâintĂ©grer un nouveau poste. NĂ©anmoins, cette approche mĂ©rite dâĂȘtre envisagĂ©e lorsque les enjeux de continuitĂ© sont importants.
2ïžâŁ Quand un salariĂ© souhaite se lancer dans un projet entrepreneurial ou une reconversion
Certains salariĂ©s ne quittent pas une entreprise pour aller vers un autre poste, mais pour se lancer dans une nouvelle aventure professionnelle : crĂ©ation dâentreprise, formation, reconversionâŠ
Dans ces cas-lĂ , la question dâune rupture conventionnelle peut se poser. En effet, lâun des principaux freins Ă ces transitions est lâincertitude financiĂšre. Or, en bĂ©nĂ©ficiant des droits au chĂŽmage, le salariĂ© peut sĂ©curiser cette pĂ©riode et mieux prĂ©parer son projet.
Mais faut-il pour autant accepter systématiquement ces demandes ?
đĄ Lâapproche la plus efficace est dâĂ©tablir des critĂšres clairs pour Ă©viter les effets dâaubaine.
Une rupture conventionnelle octroyĂ©e dans ce cas est un moyen de reconnaĂźtre et de valoriser un salariĂ© engagĂ© : lorsque ce dernier a Ă©tĂ© un Ă©lĂ©ment clĂ© de lâentreprise, ayant contribuĂ© activement Ă son dĂ©veloppement, lui offrir une sortie accompagnĂ©e peut ĂȘtre un geste fort.
Cela envoie un message positif au reste des Ă©quipes que lâon pourrait rĂ©sumer ainsi : "Nous savons ĂȘtre reconnaissants et accompagner nos collaborateurs mĂȘme lorsquâils choisissent une nouvelle voie."
Cette posture peut avoir un impact positif sur la marque employeur, en renforçant lâimage dâune entreprise bienveillante et attentive aux parcours individuels.
Pour dĂ©finir les cas dans lesquels une rupture conventionnelle peut ĂȘtre envisagĂ©e, il est important de fixer des critĂšres objectifs pour Ă©viter un usage systĂ©matique. En effet, une rupture conventionnelle ne doit pas devenir un droit automatique pour tous les salariĂ©s souhaitant partir. Il est essentiel de dĂ©finir des rĂšgles claires pour que cette possibilitĂ© reste une exception justifiĂ©e. Parmi les critĂšres possibles :
Une anciennetĂ© minimale (exemple : 4 ou 5 ans), pour sâassurer que le salariĂ© a rĂ©ellement contribuĂ© Ă lâentreprise.
Un projet professionnel structuré, avec une vision claire de la suite.
Un engagement avĂ©rĂ© du salariĂ© durant son temps dans lâentreprise, prouvant quâil a Ă©tĂ© un acteur clĂ© de son dĂ©veloppement.
đŻ Pourquoi est-ce une bonne pratique RH ?
MĂȘme si lâimpact financier immĂ©diat est difficile Ă mesurer, une telle approche contribue Ă un climat social plus serein et Ă une culture dâentreprise oĂč les salariĂ©s se sentent respectĂ©s et soutenus dans leur parcours.
â Rupture conventionnelle : quand le licenciement ne permet pas de sĂ©curiser une rupture du contrat de travail
Dans certaines situations, la rupture conventionnelle peut sâavĂ©rer plus pertinente quâun licenciement, notamment lorsque les fondements juridiques du licenciement sont fragiles ou que lâentreprise souhaite Ă©viter un conflit ouvert.
MĂȘme sâil nâexiste pas de cas type, on peut penser au salariĂ© dont les performances ne sont pas au niveau attendu, sans quâun licenciement pour insuffisance professionnelle puisse ĂȘtre vĂ©ritablement fondĂ©. On peut Ă©galement Ă©voquer le cas du salariĂ© au comportement problĂ©matique, sans que la faute soit facilement dĂ©montrable.
à premiÚre vue, on pourrait penser que le licenciement est la réponse naturelle : si un salarié ne remplit pas ses missions ou crée des tensions, pourquoi ne pas simplement enclencher une procédure disciplinaire ou un licenciement pour insuffisance professionnelle ?
Si cette approche peut sembler logique, elle nâest pas toujours la plus sĂ©curisĂ©e, ni la plus efficace sur le plan financier et social. Il est donc essentiel dâanalyser au cas par cas les avantages et les risques de chaque option.
đš Avertissement prĂ©alable : le fait de recourir Ă une rupture conventionnelle, Ă un licenciement ou Ă un licenciement suivi dâune transaction doit faire lâobjet dâune apprĂ©ciation, au cas par cas. Mon but nâest pas de systĂ©matiser la rupture conventionnelle mais de la considĂ©rer comme une alternative Ă explorer, notamment si lâon peut aisĂ©ment dialoguer avec le salariĂ© et si lâentreprise souhaite vĂ©ritablement nĂ©gocier les conditions financiĂšres de la sortie.
La rupture conventionnelle permet, de mon expĂ©rience, de terminer une relation en sortant par le haut en prĂ©servant lâimage du salariĂ©, en lui offrant une sĂ©curitĂ© financiĂšre et en rĂ©duisant fortement le risque de contentieux pour lâentreprise.
đ Comment fonctionner en pratique ?
Reprenons le cas du salariĂ© jugĂ© sous-performant : si ce dernier ne parvient pas Ă atteindre les objectifs fixĂ©s, il peut ĂȘtre tentant dâopter pour un licenciement pour insuffisance professionnelle. Toutefois, cette option comporte des risques quâil convient dâapprĂ©cier en fonction des Ă©lĂ©ments de contexte.
1ïžâŁ Les objectifs Ă©taient-ils clairement dĂ©finis ? Si lâentreprise nâa pas formalisĂ© de maniĂšre prĂ©cise les attentes de performance (fixation d'objectifs atteignables, mesurablesâŠ), le dossier pourrait ĂȘtre dĂ©licat Ă dĂ©fendre en cas de contentieux.
2ïžâŁ LâĂ©valuation est-elle vraiment objective ? Il arrive que lâinsuffisance professionnelle repose sur des critĂšres subjectifs, difficilement dĂ©fendables en cas de contentieux.
3ïžâŁ Peut-on amener des preuves tangibles de la sous-performance du salariĂ© ou de son incompĂ©tence ? Dans des structures avec peu de process, de tels Ă©lĂ©ments sont souvent difficiles Ă rĂ©unir, ce qui pourrait poser un problĂšme probatoire en cas de contentieux.
Dans ce contexte, le coĂ»t dâun licenciement peut vite sâavĂ©rer plus Ă©levĂ© que prĂ©vu.
Prenons un exemple concret pour mieux le mesurer :
Un salariĂ© perçoit un salaire de 3 500 ⏠brut par mois et compte 4 ans dâanciennetĂ©. Son prĂ©avis est de 3 mois. En cas de licenciement, lâentreprise devrait lui verser :
âĄïž Une indemnitĂ© de licenciement : 3 500 ⏠(1/4 de mois de salaire par annĂ©e dâanciennetĂ©, selon la formule lĂ©gale et davantage si les rĂšgles conventionnelles sont plus favorables).
âĄïž Un prĂ©avis (ou une indemnitĂ© de prĂ©avis si on prĂ©fĂšre le dispenser de son exĂ©cution effective) : 3 mois de salaire, soit 10 500 ⏠brut + contributions patronales (~35%), soit environ 14 000 ⏠au total.
đ CoĂ»t estimĂ© du licenciement : environ 17 500 âŹ.
Mais ce nâest pas tout : il faut Ă©galement prendre en compte le risque prudâhomal. Ainsi, si le salariĂ© conteste son licenciement et que le dossier prĂ©sente des insuffisances, lâentreprise pourrait ĂȘtre condamnĂ©e Ă lui verser entre 3 et 5 mois de salaire supplĂ©mentaires en application du barĂšme prĂ©vu Ă lâarticle L1235-3 du Code du travail. Dans notre exemple, cela reprĂ©sente un risque financier supplĂ©mentaire compris entre 10 500 Ă 17 500 âŹ.
Dans ce chiffrage, je ne prends pas non plus en compte dâĂ©ventuelles demandes relatives Ă lâexĂ©cution du contrat de travail (rappels dâheures supplĂ©mentaires, par exemple), ni les coĂ»ts inhĂ©rents Ă la procĂ©dure (frais dâavocats, temps de travail nĂ©cessaire des Ă©quipes pour traiter le dossierâŠ), ce qui ferait encore monter lâaddition.
đĄ Une alternative avec la rupture conventionnelle
Face Ă ce coĂ»t potentiel, proposer une rupture conventionnelle nĂ©gociĂ©e peut ĂȘtre une solution plus pertinente.
Lâobjectif ? Arriver Ă un accord qui permet :
âĄïž DâĂ©viter une procĂ©dure longue et incertaine.
âĄïž De maĂźtriser davantage le coĂ»t associĂ© Ă la rupture
âĄïž De prĂ©server le climat social et dâĂ©viter des tensions internes liĂ©es Ă un conflit prudâhomal.
đš Point de vigilance : une rupture conventionnelle ne protĂšge pas dâun contentieux sur lâexĂ©cution du contrat de travail (paiement des heures supplĂ©mentaires, discrimination, harcĂšlementâŠ). Si le salariĂ© peut avoir des revendications postĂ©rieures Ă la rupture, mieux vaut envisager de nĂ©gocier une issue transactionnelle globale, avec lâaccompagnement dâun avocat pour bien cadrer lâaccord.
đ° Comment arbitrer le montant dâune rupture conventionnelle ?
Lorsquâon opte pour cette solution, il est essentiel dâadopter une approche rationnelle:
1ïžâŁ Comparer le coĂ»t avec celui dâun licenciement + prĂ©avis
2ïžâŁ Prendre en compte le risque prudâhomal (montant des indemnisations potentielles).
3ïžâŁ Ăvaluer lâimpact sur lâimage et le climat interne.
Bonne pratique : la rupture conventionnelle doit rester un deal Ă©quilibrĂ©. Le salariĂ© doit trouver un avantage Ă accepter, tout en Ă©vitant que lâentreprise ne paie un montant excessif par rapport aux alternatives. Câest dâailleurs un point important pour fonder le consentement libre et Ă©clairĂ© du salariĂ©.
Aussi, pour vous aider Ă dĂ©terminer la solution la plus pertinente, tĂąchez, systĂ©matiquement, dâĂ©valuer lâensemble des risques financiers et humains. Ces donnĂ©es seront prĂ©cieuses pour obtenir une vision objective et prendre une dĂ©cision la plus rationnelle possible.
đĄ Les bons rĂ©flexes Ă avoir dans le cadre de la nĂ©gociation dâune rupture conventionnelle
Pour quâune rupture conventionnelle se dĂ©roule sans accroc, il est essentiel dâadopter une approche rigoureuse et mĂ©thodique. Certaines dĂ©cisions rĂ©centes de la Cour de cassation apportent dâailleurs des Ă©clairages prĂ©cieux sur des points de vigilance Ă ne pas nĂ©gliger.
Voici deux aspects clĂ©s Ă bien maĂźtriser pour Ă©viter tout risque dâinvalidation ou de litige.
1ïžâŁ Pas de dĂ©lai obligatoire entre lâentretien et la signature, mais gare Ă la preuve !
đ RĂ©fĂ©rence : Cass. soc. 13 mars 2024, n°22-10.551
Dans une rĂ©cente dĂ©cision, la Cour de cassation a confirmĂ© quâaucun dĂ©lai minimal nâest imposĂ© entre lâentretien prĂ©alable et la signature de la rupture conventionnelle. En dâautres termes, les parties peuvent conclure immĂ©diatement aprĂšs lâentretien, sans quâun laps de temps obligatoire ne soit exigĂ©.
Faut-il pour autant se prĂ©cipiter ? Pas forcĂ©ment. Tout du moins, il faut ĂȘtre en mesure de dĂ©montrer que la signature de la rupture conventionnelle Ă©tait bien postĂ©rieure Ă lâentretien.
đ Les points Ă retenir :
Lâentretien prĂ©alable est obligatoire et doit toujours prĂ©cĂ©der la signature. Il sâagit dâun temps dâĂ©change permettant aux deux parties de discuter librement des modalitĂ©s de la rupture.
Un dĂ©lai court entre lâentretien et la signature peut ĂȘtre avantageux, car il Ă©vite de prolonger inutilement la pĂ©riode de travail et limite les coĂ»ts pour lâentreprise.
Toutefois, une signature prĂ©cipitĂ©e peut ĂȘtre risquĂ©e. Laisser au moins 24 heures de rĂ©flexion renforce la crĂ©dibilitĂ© du processus et permet plus facilement de prouver que la signature Ă©tait postĂ©rieure Ă lâentretien car, si lâon indique souvent la date de signature, on ne prĂ©cise que trĂšs rarement lâheure de celle-ci.
2ïžâŁ Modifier la convention aprĂšs signature = reprise complĂšte de la procĂ©dure
đ RĂ©fĂ©rence : Cass. soc. 16 octobre 2024, n°23-15.752
Un autre arrĂȘt a mis en lumiĂšre une exigence stricte : toute modification de la convention, mĂȘme minime, impose un redĂ©marrage complet de la procĂ©dure (nouvelle signature, nouveau dĂ©lai de rĂ©tractation, nouvelle homologation).
đ Les points Ă retenir :
Les erreurs, mĂȘme minimes, peuvent invalider lâaccord.
Un montant dâindemnitĂ© lĂ©gĂšrement infĂ©rieur au minimum lĂ©gal ou une date de rupture fixĂ©e trop tĂŽt suffisent Ă annuler la procĂ©dure, indĂ©pendamment de lâintention des parties.Chaque modification impose une reprise complĂšte de la procĂ©dure.
Cela signifie quâil ne suffit pas de corriger lâerreur ou dâobtenir une homologation administrative aprĂšs modification. La convention doit ĂȘtre Ă nouveau signĂ©e par les deux parties, avec un nouveau dĂ©lai de rĂ©tractation de 15 jours calendaires avant la demande dâhomologation.Les modifications doivent ĂȘtre partagĂ©es et validĂ©es avec le salariĂ©.
Lâaccord des deux parties est indispensable pour garantir la libertĂ© de consentement, pilier de la rupture conventionnelle. PrĂ©cisons que dans cette affaire, lâemployeur, qui sâĂ©tait vu notifier un refus dâhomologation, avait rectifiĂ© la convention de rupture sans en avertir le salariĂ© avant de solliciter une nouvelle homologation.
En rĂ©sumĂ© : Ces dĂ©cisions renforcent lâimportance dâune approche rigoureuse et transparente dans la gestion des ruptures conventionnelles. Respecter scrupuleusement les dĂ©lais et garantir la bonne foi des Ă©changes avec le salariĂ© ne sont pas seulement des obligations lĂ©gales, mais aussi des leviers pour prĂ©server la sĂ©rĂ©nitĂ© des relations professionnelles et limiter les risques financiers.
Ă titre de rappel, voici une infographie illustrant les grandes Ă©tapes dâun processus de rupture conventionnelle, intĂ©grant les enseignements de ces arrĂȘts :
Enfin, souvenez-vous que parler de rupture conventionnelle, câest aussi bien prendre en considĂ©ration la situation financiĂšre personnelle du salariĂ© Ă lâissue de la rupture. Alors, pour permettre des discussions sereines, il est important de bien maĂźtriser les consĂ©quences indemnitaires sur deux points :
1ïžâŁ le montant des indemnitĂ©s perçues Ă lâissue du contrat de travail (indemnitĂ© compensatrice de congĂ©s payĂ©s, solde de RTT, montant de lâindemnitĂ© de rupture conventionnelleâŠ)
2ïžâŁ les indemnitĂ©s versĂ©es par France Travail postĂ©rieurement Ă la rupture : pour approfondir ce sujet, vous pouvez consulter cet article (jây ai traitĂ© un cas gĂ©nĂ©ral pour vous donner une vue dâensemble. Cependant, afin de coller aux rĂšgles encadrant les cas plus spĂ©cifiques, je vous recommande de toujours consulter les sources rĂ©glementaires de lâUnedic).
đŻ Conclusion : La rupture conventionnelle, un levier Ă manier avec discernement
Si la rupture conventionnelle est souvent perçue comme une solution simple et pragmatique, elle nâen demeure pas moins un dispositif qui doit ĂȘtre utilisĂ© avec discernement. En effet, elle ne doit pas ĂȘtre systĂ©matique et chaque situation doit ĂȘtre analysĂ©e sous lâangle du coĂ»t, du risque juridique et de lâimpact social.
Jâai tĂąchĂ© de vous faire part, au sein de cet article, du fruit de mon expĂ©rience aprĂšs 15 annĂ©es de pratique. Ces Ă©lĂ©ments ne prĂ©tendent cependant pas constituer une rĂ©fĂ©rence ou une recommandation pour vos cas particuliers. Lâobjectif est surtout de vous aider Ă Ă©largir votre rĂ©flexion dans lâutilisation de ce dispositif.
Et si cet article a suscitĂ© des interrogations ou des rĂ©actions, nâhĂ©sitez pas Ă les partager en commentaires ou par mail.
Comment avez-vous trouvĂ© cette Ă©ditionâ?
Je suis toujours preneur de vos retours ! Si vous avez 2 minutes, nâhĂ©sitez pas Ă rĂ©pondre Ă cette question et Ă me laisser un commentaire pour me dire ce qui vous a intĂ©ressĂ© et ce qui vous a moins plu. Cela mâaidera Ă amĂ©liorer le contenu et Ă continuer. Merci ! â€ïž
Et pour continuer dâapprofondir le sujet, nâhĂ©sitez pas Ă mâenvoyer un message Ă vincent.hagenbourger@gmail.com ou Ă me laisser un commentaire ici.
Vous pouvez aussi me retrouver sur Linkedin pour suivre toutes mes publications.
Et si vous pensez que le sujet peut intĂ©resser dâautres personnes, nâhĂ©sitez pas Ă partager !
Ă bientĂŽt pour de nouveaux articles liant chiffres & RH !
Vincent đ
Merci pour l'article sur la rupture conventionnelle. Travaillant pour des entreprises françaises dans le domaine de la gestion d'équipe mais ne connaissant pas bien la législation française. Je suis belge, résidente belge. Ca m'intéresse de m'informer sur les rÚglementations en France.