🗞 Protection de la santé des salariés en matière de temps de travail, responsabilité de l'employeur en cas d'agression sur le lieu de travail et les autres actus
# 30 -L’impact chiffres & RH de l'actu jurisprudentielle - mai 2024
Au programme de cette édition :
📆 Suivi du temps de travail des cadres en forfait jours : ce statut impose un suivi de la charge de travail bien plus encadré qu’on ne le pense et le non-respect de ces règles peut coûter extrêmement cher à l’entreprise.
🚧 Protection de la santé des salariés : attention à bien évaluer le danger auxquels les salariés sont exposés !
🏖 Fermeture annuelle de l’entreprise : si cette pratique est autorisée, il faut tout de même vérifier l’absence de limitation dans la convention collective.
⏱️ Temps de lecture : 17 minutes.
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Hello tout le monde,
J’espère que vous êtes en forme et que vous avez bien profité de tous les jours fériés du mois de mai !
C’est la deuxième édition de la revue de jurisprudence. J’ai reçu de très bons retours de votre part suite à la parution d’avril et je vous en remercie. J’espère que l’édition du jour vous apportera également des connaissances précieuses pour faire évoluer votre pratique en lien avec les dernières décisions de la Cour de cassation.
🎯L’objectif de ce format : revenir sur plusieurs décisions de justice qui ont marqué l’actualité des semaines précédentes pour vous en expliquer la portée sur un plan RH, administratif et/ou financier. En bref, vous permettre de mieux appréhender les conséquences opérationnelles du droit et vous expliquer comment adapter votre pratique RH face à ces nouveautés.
🔔 Et pour encore plus de contenus, vous pouvez toujours me retrouver sur Linkedin où je publie infographies et news sur les thèmes que je viens d’évoquer deux fois par semaine !
⚖️ L’impact chiffres & RH de l'actu jurisprudentielle
Dans cette édition, je reviens sur les jurisprudences des dernières semaines pour analyser les incidences RH et financières. Pour chaque cas, je vous détaille :
📖 L’histoire qui a précédé la décision : c’est toujours mieux de comprendre ce qu’il s’est passé au sein de l’entreprise pour mieux comprendre les enjeux pour l’entreprise et/ou le salarié
⚖️ La décision retenue par la Cour de cassation : promis je tâcherai de ne pas utiliser trop de jargon juridique (mais si c’est le cas, n’hésitez pas à me le dire en commentaires 😉)
⚙️💰 L’incidence de la décision sur un plan RH et financier : je vous livre quelques conseils pour veiller à avoir une pratique RH conforme à la décision et réduire votre risque financier
📆 Suivi du temps de travail des cadres en forfait jours : l’importance de garantir le respect d’une charge de travail raisonnable
En entreprise, j’ai souvent entendu que "les cadres n’ont pas d’horaires et qu’ils s’organisent comme ils le souhaitent pour gérer leur charge de travail. Ce qui compte, c’est que le travail soit fait !"
La réalité est toute autre. Premièrement, un cadre peut être assujetti à un horaire de travail et il convient donc de le rémunérer conformément au nombre d’heures accomplies (ce statut concerne environ la moitié des salariés cadres). Deuxièmement, si un cadre est soumis à une convention de forfait jours (c’est-à-dire que l’on décompte son temps de travail en jours à l’année et non en heures), cela n’exonère pas l’entreprise de mettre en place un suivi de la charge de travail. Bien au contraire !
Les garanties prévues par le Code du travail et la jurisprudence sont nombreuses à ce sujet. L’arrêt du 24 avril 2024 (Cass. soc. 24 avril 2024, n°22-20.539) en est une belle illustration.
📖 L’histoire qui a précédé la décision
En 2013, la Société Ernst and Young embauche une jeune avocate en qualité de salariée (il est important de noter qu’elle n’était pas indépendante comme c’est souvent le cas dans la profession). Le contrat de travail de cette dernière est régi par la convention collective nationale des cabinets d’avocats et comporte une convention de forfait jours. Le temps de travail de la salariée est donc décompté en jours et non en heures.
L’avocate semble donner pleinement satisfaction puisqu’elle est promue au grade de Senior 1 en juillet 2015 puis au grade de Senior 3 en juillet 2017. En mars 2018 elle bénéficie d’un premier congé maternité suivi d’un congé parental. En 2019, elle prend un second congé maternité suivi également d’un congé parental. Elle reprend son poste de travail le 15 janvier 2020. La situation semble alors se dégrader rapidement puisqu’elle est licenciée le 27 mai 2020 pour cause réelle et sérieuse.
S’estimant victime de discrimination en raison de son sexe et de son état de maternité, elle saisit le Conseil de Prud’hommes afin de voir prononcer la nullité de son licenciement. Mais sa demande ne se cantonne pas à cela : elle formule également une demande de rappels d’heures supplémentaires considérant que la convention de forfait jours qui lui était applicable était invalide. A l’appui de sa demande, elle soutient que l’accord de branche prévoyant la possibilité de recourir à une convention individuelle de forfait jours était insuffisant pour s’assurer que la charge de travail de la salariée était raisonnable. De même, elle considère que la charte de bonne pratique en matière d’organisation du temps de travail que le cabinet avait mis en place, en complément de l’accord de branche, ne remplissait pas non plus son rôle d’assurer une charge de travail raisonnable.
La Cour de cassation devait donc analyser si les règles prévues à la fois par la branche professionnelle puis par l’entreprise étaient suffisantes à garantir une charge de travail raisonnable pour la salarié, permettant ainsi de valider le recours à la convention de forfait jours.
⚖️ La décision retenue par la Cour de cassation
La réponse de la Cour se fait ici en deux temps. Et je vais vous expliquer en détail l’importance de chaque point.
1️⃣ La convention collective permettait-elle de recourir valablement à une convention de forfait jours ?
Dans un premier temps, les juges ont analysé les textes de la convention collective nationale des avocats. Ces derniers encadraient le recours au forfait jours en prévoyant les mesures suivantes :
Les jours ou demi-journées travaillés doivent être comptabilisés sur un document établi à la fin de l’année par l’avocat concerné. Ce décompte doit préciser le nombre de jours ou de demi-journées de repos pris
Les salariés en forfait jours doivent respecter les dispositions impératives ayant trait au repos quotidien et hebdomadaire. Le cabinet doit veiller au respect de ces obligations
L’avocat doit organiser son travail pour ne pas dépasser onze heures journalières, sous réserve des contraintes horaires résultant notamment de l'exécution des missions d'intérêt public ; le nombre de journées ou de demi-journées de travail sera comptabilisé sur un document de contrôle établi à échéance régulière par l'avocat salarié concerné selon une procédure établie par l'employeur
L'avocat salarié bénéficie annuellement d'un entretien avec sa hiérarchie portant sur l'organisation du travail, sa charge de travail, l'amplitude de ses journées d'activité, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et sa rémunération. Il est prévu également que l'employeur ou son représentant doit analyser les informations relatives au suivi des jours travaillés au moins une fois par semestre et que l'avocat salarié pourra alerter sa hiérarchie s'il se trouve confronté à des difficultés auxquelles il estime ne pas arriver à faire face
Ces éléments sont cependant insuffisants car ils ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable et ne suffisent donc pas à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé. Il semble ainsi que ces mesures ne permettent pas un suivi suffisamment rapproché de la charge de travail. Ainsi, le dispositif ne permet pas de réagir suffisamment rapidement si la charge de travail et/ou l’amplitude de travail sont trop importantes.
À l’arrivée, le droit au repos et la protection de la santé du salarié, qui sont des exigences constitutionnelles et communautaires, ne sont pas garantis.
Conséquence : les stipulations conventionnelles de la CCN de branche ne permettent donc pas de conclure valablement une convention individuelle de forfait jours (l’accord d’entreprise qui venait compléter ces stipulations ne faisant pas mieux).
Mais l’analyse n’est pas terminée pour autant ! Car si les textes conventionnels ne permettaient pas d’avoir valablement recours à une convention de forfait jours, l’entreprise avait mis en œuvre une charte de bonne pratique dont le but était de compléter les insuffisances éventuelles des textes conventionnels.
2️⃣ Appréciation des mesures contenues dans la charte de bonne pratique
Pour bien comprendre le point, une petite explication s’impose : depuis 2011, la Cour de cassation a cherché à encadrer le recours aux forfaits jours afin que cette modalité de suivi du temps de travail reste conforme à l’exigence de protection de la santé du salarié. L’équilibre est cependant délicat à trouver.
Pour ce faire, la Cour a posé comme principe que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires. Ce principe a valeur d’ordre public social : aucun accord ne peut y déroger.
Aussi, en 2016 le législateur est venu inscrire ces principes dans la loi via l’article L3121-64 du Code du travail. Cet article précise notamment que l’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
1️⃣ Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
2️⃣ Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
3️⃣ Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion
Le problème, c’est qu’un certain nombre d’accords relatifs à ce sujet ne respectaient pas ces principes. Un grand nombre de cadres pourraient donc contester la validité de leur forfait jours. Pour éviter cela, le législateur a laissé la possibilité aux entreprises de compléter les mesures inscrites dans les accords collectifs (de branche ou d’entreprise) par les mesures suivantes (article L3121-65 du Code du travail) :
1️⃣ L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
2️⃣ L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3️⃣ L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
Conclusion : si l’accord de branche ou d’entreprise ne suffit pas, à lui-seul, pour assurer la validité d’une convention individuelle de forfait jours, il faut regarder si les mesures prises par l’entreprise permettent de “corriger le tir”.
C’est ce qu’a fait la Cour de cassation au sujet de la charte de bonne pratique mise en place par le cabinet :
L’arrêt rappelle tout d’abord la motivation de la Cour d’appel qui avait considéré que la charte de bonne pratique de l’entreprise remplissait les mesures supplétives en indiquant que :
“l'employeur a complété l'ensemble des dispositions conventionnelles applicables par une charte des bonnes pratiques en matière d'organisation du temps de travail et qu'il est inexact d'affirmer qu'aucun outil de contrôle de la charge de travail n'a été mis en place par l'employeur pour garantir le bon équilibre de la vie professionnelle et de la vie personnelle des salariés”.
👉 Réponse de la Cour de cassation : La motivation des juges d’appel est insuffisante pour s’assurer que la charte des bonnes pratiques remplissait bien les exigences légales. Nous pourrions résumer la réponse de la Cour de cassation de la manière suivante : mesdames et messieurs les juges d’appel, faites moi une analyse plus approfondie de la charte pour voir si concrètement, les mesures qu’elle contient permettent une répartition raisonnable de la charge de travail pour la salariée. Et vous êtes priés de me proposer une motivation détaillée ! 😅
Ce sera le travail auquel les juges de la Cour d’appel de renvoi devront se livrer.
⚙️💰 L’incidence de la décision sur un plan RH et financier
L’explication a été longue mais j’espère que vous comprenez ainsi mieux la complexité du recours au forfait jours. Si ce mode de suivi du temps de travail est très courant en France (il concerne près de la moitié des cadres), il pose certaines difficultés. En effet, sans référence à un horaire de travail, il est difficile de contrôler la charge de travail.
Au plan communautaire, la durée maximale hebdomadaire est de 48 heures. C’est également le cas en France pour les salariés à l’horaire. Jusqu’à présent, il a été admis que le forfait jours demeurait valide bien que dérogeant à ces textes. Mais la base juridique du recours à ce dispositif est fragile. D’ailleurs ce mode de suivi du temps de travail est très français. Il ne serait donc pas impossible que ce dispositif puisse un jour être totalement remis en cause…
Quelles conséquences, dès lors, pour les entreprises ?
Si vous avez recours à des forfaits jours, je vous recommande deux choses :
1️⃣ Assurez-vous que les accords qui encadrent le recours à ces forfaits ou les mesures complémentaires que vous avez prises respectent bien les principes évoqués dans cet article.
Au-besoin, faites appel à un expert (juriste, avocat) qui pourra vous accompagner dans l’exercice en comparant les textes et mesures applicables au sein de l’entreprise avec les accords que la Cour de cassation a déjà jugé "valides".
2️⃣ Mettez en place des process de suivi de ces accords / mesures :
Avoir des textes ou des mesures respectant les dispositions légales, c’est bien mais ce n’est pas suffisant 😉. En effet, il faut que vous soyez en mesure de démontrer que ces principes sont suivis des faits sur le plan opérationnel RH :
Collectez les comptes-rendus d’entretien annuel de suivi de la charge de travail. Assurez-vous que ces documents traitent bien de l’ensemble des points que les textes mentionnent
Veillez à ce que les documents récapitulant les jours travaillés et les repos pris soient bien remplis et signés (ou validés de manière électronique) par les salariés et leurs responsables
Assurez-vous que la charge de travail soit raisonnable en vérifiant que les salariés ne fassent pas systématiquement des horaires à rallonge, qu’ils arrivent effectivement à bien prendre leurs repos et leurs congés sans que cela ne soit préjudiciable en termes de retard pris sur leurs missions…
Si ces mesures ne sont pas respectées, vous risquez de voir la convention de forfait jours frappée de nullité.
Conséquence : vos salariés pourront alors solliciter des rappels de salaires pour toutes les heures effectuées au-delà de 35 heures, sur les 3 dernières années ! Bien sûr, il faudra qu’ils apportent des éléments tangibles pour soutenir leurs calculs mais le risque financier est important pour l’entreprise. Si vous voulez mieux comprendre comment mesurer le risque financier, j’ai développé un exemple dans 👉 cet article.
Et comme vous le voyez dans cet arrêt, le sujet arrive souvent quand la rupture du contrat se passe mal.
💡 Autre possibilité : arrêtez d’avoir recours à des forfaits jours. Si la solution peut sembler radicale, il peut être intéressant de creuser le point. Attention, je ne parle pas nécessairement de passer ces contrats à 35 heures. Vous pouvez envisager des horaires de 40 heures voire davantage (dans la limite des durées maximales et de votre contingent d’heures supplémentaires).
Les avantages de ce modèles :
Vous disposez d’un volume d’heures de travail qui reste conséquent ;
Vous permettez à vos salariés d’être payés en heures supplémentaires, ce qui augmente le montant de leur net à payer grâce aux exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires ;
Vous réduisez votre risque juridique et financier : vous aurez déjà assuré le paiement d’une quarantaine d’heures par semaine. Et si démontrer que l’on fait plus de 35 heures est "simple", l’exercice est plus difficile au-delà de 40 heures.
🚧 Protection de la santé des salariés : bien évaluer les dangers et prendre les mesures adaptées
Lorsqu’un(e) salarié(e) est victime d’un accident sur le lieu de travail, la responsabilité de l’entreprise peut être engagée si cette dernière n’a pas pris les mesures suffisantes pour protéger ses employés. On parle alors de faute inexcusable.
Pour éviter cela, il est important de bien évaluer les risques en présence et d’y répondre de manière appropriée. L’arrêt du 29 février 2024 (Cass. Civ. 2ème, 29 février 2024, n°22-18.868) est particulièrement intéressant à cet égard.
📖 L’histoire qui a précédé la décision
Les faits se sont déroulés dans un établissement hospitalier, au sein du service des urgences en janvier 2017. Alors qu’une patiente a été admise, elle agresse physiquement l’une des salariées de l’établissement (le motif et la nature de l’agression ne sont pas précisés).
Suite à cette agression, qualifiée d’accident du travail, la salariée décide de poursuivre l’hôpital devant les tribunaux afin de faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur du fait de l’absence de mesures de protection propres à prévenir cette agression.
🚨Précisons que la reconnaissance de cette "faute inexcusable" permet à la victime d’un accident du travail d’obtenir une majoration des indemnités versées par la sécurité sociale ainsi que des indemnités complémentaires au titre du préjudice subi.
Devant la Cour d’appel, l’hôpital s’était défendu en précisant les mesures prises pour éviter ce genre d’incident :
Formations régulières du personnel sur la gestion de la violence et les situations traumatisantes
recrutement d’un maître-chien et mise en place d’une prestation de sécurité de niveau 2 de 20h à 7h
Ces mesures ont toutefois été jugées insuffisantes par les juges d’appel. L’hôpital a donc décidé de se pourvoir en cassation
⚖️ La décision retenue par la Cour de cassation
Pour fonder sa décision, la Cour de cassation rappelle que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
L’employeur doit donc être particulièrement vigilant quant aux dangers qui pèsent sur ses salariés et prendre des mesures adaptées pour les protéger.
Dans cette affaire, il était relevé une recrudescence des actes violents depuis 2015 en raison notamment de l’engorgement des services générant l’insatisfaction des usagers et la dégradation des conditions de travail. Ces éléments de faits démontrent que l’hôpital avait bien conscience du danger.
Puis, la Cour de cassation relève que, pour les juges d’appel, le recrutement d’un agent cynophile et les formations sur la gestion de la violence constituaient des réponses sous-dimensionnées par rapport à la réalité du risque encouru.
Conséquence : les mesures de protection prises par l’employeur sont jugées insuffisantes, ce qui justifie la reconnaissance d’une faute inexcusable.
⚙️💰 L’incidence de la décision sur un plan RH et financier
Garantir la santé et la sécurité des salariés est un enjeu essentiel des entreprises souvent sous-estimé.
Il existe cependant des outils à la disposition de l’entreprise.
En premier lieu, n’oubliez jamais de réaliser votre Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels dont le but est de cartographier l’ensemble des risques auxquels les employés sont exposés. Cet outil permet d’évaluer à la fois la fréquence d’exposition et la gravité des lésions qui pourraient survenir en cas de réalisation du risque.
Pour mener à bien cette démarche, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre service de médecine du travail.
Au-delà de cet outil, la sécurité et les conditions de travail sont un enjeu majeur du dialogue social : il est souvent utile de prendre en considération les demandes des acteurs du terrain qui seront souvent les mieux placés pour proposer des actions concrètes propres à réduire les risques. Des demandes avaient d’ailleurs été faites en ce sens dans cette affaire mais les nouvelles mesures de sécurité n’ont vu le jour qu’une fois l’incident survenu.
N’attendez donc pas pour agir ! Car, au-delà du risque indemnitaire et financier, c’est avant tout la santé de vos collaborateurs qui est en jeu.
🏖 Fermeture annuelle de l’entreprise : attention aux règles prévues par votre convention collective
Pour terminer cette édition, je vous propose un sujet plus "léger" concernant la fixation de la période de fermeture annuelle de l’entreprise (Cass. soc. 13 mars 2024, n°22-16.677).
📖 L’histoire qui a précédé la décision
L’entreprise Altran avait décidé, par décisions unilatérales, de fermer l’entreprise pendant les fêtes de Noël en 2019 et 2020. Par conséquent, elle imposait la prise de la cinquième semaine de congés payés à ses employées entre le 24 décembre et le 31 décembre.
Rien d’anormal jusque-là !
Cependant, la CGT a fait remarqué à l’employeur qu’il n’était pas possible de fermer l’entreprise à cette période puisque la CCN de la Syntec, dans sa version alors applicable, indiquait en matière d’organisation des congés payés que : "l'employeur peut soit procéder à la fermeture totale de l'entreprise dans une période située entre le 1er mai et le 31 octobre, soit établir les congés par roulement après consultation du comité d'entreprise (ou à défaut des délégués du personnel) sur le principe de cette alternative”
Ainsi, le syndicat estimait que cette fermeture totale de l’entreprise ne pouvait pas se faire en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre.
N’arrivant pas à se mettre d’accord sur le sujet, le syndicat a décidé de porter l’affaire devant les tribunaux afin de faire annuler les décisions unilatérales de l’employeur. En appel, les arguments du syndicat n’avaient pas convaincu, les juges estimant que l’accord de branche, même rédigé en ces termes, n’excluait pas la possibilité de fermer totalement l’entreprise en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre.
⚖️ La décision retenue par la Cour de cassation
La Cour de cassation en a jugé tout autrement faisant une interprétation stricte du texte : pour les juges, pas de doute, il s’agissait bien d’une alternative, n’ouvrant pas la voie à d’autres mécanismes :
l'employeur peut soit procéder à la fermeture totale de l'entreprise dans une période située entre le 1er mai et le 31 octobre
soit établir les congés par roulement après consultation du comité d'entreprise (ou à défaut des délégués du personnel) sur le principe de cette alternative
La fermeture totale durant les fêtes de fin d’année était donc exclue.
⚙️💰 L’incidence de la décision sur un plan RH et financier
Rassurez-vous, les règles de la CCN Syntec ont évolué et ne sont plus rédigées de la sorte depuis cet arrêt.
Mais le but n’était pas ici de faire un focus sur cette convention collective spécifiquement ! En effet, d’une manière générale, vérifiez bien les stipulations conventionnelles applicables lorsque vous organisez les départs en congés de vos salariés. Et si ces dernières ne conviennent pas, n’hésitez pas à y déroger par accord d’entreprise car le sujet est complètement ouvert à la négociation désormais (sous réserve du respect de quelques règles impératives). Le but de la démarche : organiser les départs en congés de manière à ce que cela corresponde au mieux avec le creux de l’activité de l’entreprise. Mais comme beaucoup sujet, cela nécessite un peu d’anticipation 😉.
Comment avez-vous trouvé cette édition ?
Je suis toujours preneur de vos retours ! Si vous avez 2 minutes, n’hésitez pas à répondre à cette question et à me laisser un commentaire pour me dire ce qui vous a intéressé et ce qui vous a moins plu. Cela m’aidera à améliorer le contenu et à continuer. Merci ! ❤️
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À bientôt pour de nouveaux articles liant chiffres & RH !
Vincent 👋