5 Commentaires

Bonjour Vincent, super intéressant comme toujours !

J'avais 3 remarques/questions

1/ Aurais tu les références des décisions de la cour de cassation ?

2/ Tu écris qu'un cadre au forfait pourrait donc travailler 78h/semaine en respectant le repos quotidien de 11h et hebdo de 35h, mais la législation européenne impose 48h hebdo maximum il me semble ?

3/ Je ne suis pas trop alignée avec ta proposition de mettre en place un outil de mesure du temps de travail, pour moi cela va à l'encontre du concept même de Cadre autonome. Pour avoir assister à une mise en place de ce type d'outil en tant que salariée, j'y ai vu de nombreux inconvénients pour les équipes (sensation d'être fliqués, reporting inutile...). Est ce qu'il ne faudrait pas plutôt prendre le sujet à l'envers et ne mettre en forfait jour QUE les salariés suffisamment autonomes pour s'organiser ?

Expand full comment
author

Bonjour Alessandra,

Un grand merci pour ton retour et tous tes commentaires qui vont me permettre de préciser ces points :)

1/ Voilà quelques références d'arrêts de la Cour de cassation sur le sujet (mais il en existe bien d'autres) :

Cass soc. 2 juillet 2014 - n°13-11.940 : le non-respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d'effet la convention de forfait

Cass soc. 2 mars 2022 - n°20-16.683 : le fait de ne pas prendre les mesures nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail constitue un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur

Cass. soc. 6 janvier 2021 - n°17-28.234 : au sujet du remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution d'une convention privée d'effet

Cass. soc. 9 novembre 2022 - 21-13.389 : sur le fait qu'un seul entretien annuel de suivi de la charge de travail est insuffisant pour constituer une garantie suffisante du contrôle du caractère raisonnable de l'amplitude et de la charge de travail (le système de suivi du temps était seulement déclaratif)

Cass. soc. 14 décembre 2022 - n°20-20.572 : sur le fait que les dispositions de l'accord RTT de la CCN Commerces de détail non alimentaires relatives au forfait jours ne sont pas suffisantes pour garantir aux salariés une amplitude et une charge de travail raisonnable

Cass. soc. 25 janvier 2023 - 21-16.825 : un salarié qui ne dépend pas d'un horaire collectif en raison de la taille et du nombre de salariés de l'entreprise ne dispose pas pour autant d'une réelle autonomie dans l'organisation de son travail

2/ C'est un point intéressant. Effectivement, en droit français, le forfait jours doit uniquement respecter le repos hebdomadaire (35 heures entre 2 semaine de travail) et quotidien (11 h entre 2 jours de travail). En théorie, il peut donc travailler 78 heures. Cela dit, la référence a un horaire n'a pas vraiment de sens puisque l'on décompte uniquement des jours (sous réserve de bien respecter la durée des coupures évoquées). Il n'est donc pas soumis, en droit français, à la limite de 48 heures hebdomadaires qui s'appliquent aux salariés dont le décompte du temps de travail s'effectue à l'horaire.

Il faut savoir que le dispositif du forfait jours est assez critiqué car non-conforme à la charte sociale européenne, justement du fait d'une durée du travail jugée manifestement excessive. Cependant, les juridictions françaises continuent de ne pas donner de caractère contraignant à cette Charte et à valider les conventions de forfait jours, tout en exerçant un contrôle de plus en plus strict des garanties mises en place par les entreprises pour assurer que la charge de travail des salariés ne soient pas déraisonnable. Mais il n'est pas exclu qu'un jour, le dispositif lui-même soit remis en cause

3/ L'outil de reporting n'est pas un outil de mesures des heures de travail mais des jours travaillés (et idéalement du respect des coupures). Le but est de s'assurer que les personnes respectent bien leurs jours de repos hebdomadaires, congés payés... le suivi n'a pas à porter sur le suivi horaire. Ce suivi doit se conformer à l'article L3121-65 du Code du travail ou aux dispositions prévues par les accords collectifs permettant la mise en place de conventions de forfait jours au sein de l'entreprise. Et cela s'applique bien évidemment aux salariés autonomes (les autres ne pouvant pas bénéficier d'une convention de forfait jours).

Pour le suivi du temps de travail pour les autres salariés (ceux à l'horaire), je ne suis pas forcément pour un outil de suivi mais je pense qu'il faut s'aménager un cadre : on peut, par exemple, prévoir la signature d'un compte rendu d'heures en fin de mois. Le tout est d'avoir un équilibre entre bien être des salariés / culture d'entreprise et circonscription du risque juridique. Mais je reviendrai sur ce thème dans un prochain article :)

J'espère avoir répondu à toutes tes remarques.

Expand full comment

Merci pour ta réponse ! Si je comprends bien il faut absolument mettre en place un outil de suivi des jours travaillés, l'entretien annuel ne suffit pas pour aborder le sujet du temps de travail/charge ? Est ce qu'un outil de reporting que l'on utilise pour déclarer les jours de congés suffit tu penses ?

Expand full comment
author

Je dirais qu'il est important de s'assurer que la charge et l'amplitude de travail demeurent raisonnables. A partir de ce moment, je vois mal comment on peut arriver à suivre objectivement ces points sans un outil de suivi des jours travaillés et des entretiens périodiques (c'est vraiment le minimum et il faut que cela se traduise par un suivi réel et concret. A défaut, l'entreprise sera à risque).

Difficile de déterminer si le reporting des jours de congés suffit sans voir vraiment l'outil et ce qu'il permet de faire de manière opérationnelle. Il faudrait peut-être faire un audit de vos pratiques (par un avocat spécialisé par exemple). Ce qui importe, dans la jurisprudence, c'est que l'outil utilisé permette non seulement aux cadres au forfait jours de déclarer leurs jours travaillés / repos / congés mais également à leurs responsables de pouvoir suivre effectivement cette charge (au mois le mois par exemple) avec une possibilité de prouver que le responsable en prend régulièrement connaissance et que l'outil peut lui servir "d'alarme" en cas de situation anormale.

Expand full comment
juil. 18, 2023Liké par Vincent Hagenbourger

Bonjour,

Merci Vincent pour ce sujet très intéressant et important.

Alessandra, si la mise en place d'un outil est vécue comme du flicage, c'est souvent parce qu'il y a déjà un déficit de confiance ou de communication dans l'entreprise.

Avec une bonne communication, et si l'outil est mis en oeuvre dans un cadre favorable, cela permet de protéger à la fois le collaborateur et l'entreprise.

Par ailleurs, pour un même objectif de travail, un cadre autonome pourra passer beaucoup plus de temps qu'un autre, avoir le sentiment d'être très surchargé, et s'épuiser. C'est un problème que le manager doit rapidement identifier pour aider la personne à trouver des solutions.

L'outil ne se substitue pas à l'entretien, mais peut servir de sonnette d'alarme en temps réel.

Il existe des outils très simples, plus agréables à utiliser que des CRA sur Excel, et qui permettent au manager ou RH d'être alerté automatiquement en cas d'anomalie.

Expand full comment