🗞 Rupture conventionnelle : une erreur qui coûte cher ! Et les autres actus sociales du moment
# 38 - L’impact chiffres & RH de l'actualité sociale - Novembre 2024
Au programme de cette édition :
🎥 L’infographie commentée : cadres et non-cadres, quelles différences sur le bulletin de paie ?
💰 Prime de 13ème mois : quels éléments de rémunération intégrer dans son calcul ?
📑 Rupture conventionnelle : erreur sur le montant ou le délai ? Retour à la case départ
❌ Pouvoir disciplinaire : sans règlement intérieur valide, pas de sanction possible.
⏱️ Temps de lecture : 12 minutes
🎥 Infographie commentée : 7 minutes
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Avant de démarrer, je vous partage une ressource qui pourrait vous intéresser. Elle est réalisée par Lucca, Sponsor de l’édition du jour :
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Bonjour à toutes et tous,
J’espère que vous allez bien ! Après une petite pause le mois dernier – consacrée aux évolutions du PLFSS 2025 (dont nous reparlerons dès que le calendrier sera plus clair) – je suis ravi de vous retrouver pour cette nouvelle édition d’Un Coût d’Avance.
Au programme de cette semaine : un décryptage des jurisprudences récentes avec un focus sur leurs impacts RH et financiers. Et pour innover un peu, je vous propose également un commentaire détaillé d’une infographie – une première !
J’espère que ces analyses et nouveautés vous seront utiles. Bonne lecture ! 🙂
🎯L’objectif de ce format : revenir sur des décisions de justice et des nouveautés réglementaires ayant marqué l’actualité des dernières semaines, pour vous en expliquer leur portée RH, administrative et/ou financière. En bref, vous permettre de mieux appréhender les conséquences opérationnelles du droit pour vous aider à adapter votre pratique RH face à ces nouveautés.
🔔 Et pour encore plus de contenus, vous pouvez me retrouver sur Linkedin où je publie chaque semaine infographies et news sur les sujets liant RH, paie et finance !
🎥 L’infographie commentée : cadres et non-cadres, quelles différences sur le bulletin de paie ?
Pour cette nouvelle rubrique, je vous commente de manière détaillée une infographie détaillant un sujet social / RH.
💬 N’hésitez pas à m’indiquer, en commentaire, si cette nouveauté vous a plu et comment l’améliorer pour les prochaines éditions !
💰 Prime de 13ème mois : quels éléments de rémunération intégrer dans son calcul ?
La fin de l’année coïncide souvent avec le versement d’un treizième mois dans les entreprises ayant instauré cette pratique. Mais une question cruciale se pose : quels éléments de rémunération doivent être intégrés dans son calcul ? Faut-il, par exemple, inclure la monétisation des jours d’un Compte Épargne Temps (CET) ou les gratifications liées aux médailles du travail ? Un arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2024 (Cass. soc. 6 novembre 2024, n°22-23.689) apporte des réponses éclairantes à ce sujet.
📖 L’histoire du litige : une convention collective floue
Le différend oppose le syndicat Force Ouvrière à Pôle Emploi, concernant l’application de la convention collective de l’entreprise. Selon Force Ouvrière, l’assiette de calcul du 13e mois, définie comme “1/12e de la rémunération brute perçue entre le 1er décembre de l’année précédente et le 30 novembre de l’année en cours”, devrait inclure :
La monétisation des droits affectés au CET.
Les gratifications liées aux médailles du travail.
Le syndicat souligne qu’en l’absence de clause restrictive dans l’accord, tous les éléments de rémunération perçus sur la période de référence doivent être pris en compte. Cela représenterait un coût significatif pour l’employeur : par exemple, pour un salarié monétisant 2 000 € brut de droits CET, l’entreprise devrait verser 167 € supplémentaires au titre du 13e mois, sans compter les contributions patronales associées.
La Cour d’appel avait rejeté cette demande. Mais qu’a décidé la Cour de cassation ?
⚖️ La décision de la Cour de cassation
La réponse de la Cour diffère entre la monétisation des droits issus du CET et les gratifications relatives aux médailles du travail.
1️⃣ La monétisation des droits issus du CET : pour les juges, ces éléments ne doivent pas intégrer l’assiette de calcul du 13ème mois car ces droits ne répondent à aucune périodicité de la prestation de travail ou de sa rémunération, puisque, d’une part, le salarié et l’employeur décident librement de l’alimentation du CET et que, d’autre part, la liquidation du CET ne dépend que des dispositions légales et conventionnelles applicables. Ces droits ne peuvent donc rentrer dans une période de référence définie pour le calcul de l’indemnité de 13ème mois
2️⃣ Gratifications relatives aux médailles du travail : les juges rappellent tout d’abord que :
l'agent qui obtient la médaille d'honneur du travail bénéficie d'une gratification d'un vingt-quatrième de salaire brut annuel pour la médaille d'argent, d'un seizième de salaire brut annuel pour la médaille de vermeil, d'un douzième de salaire brut annuel pour la médaille d'or et d'un huitième de salaire brut annuel pour la grande médaille d'or.
Ils précisent également que
“ ces gratifications relatives aux médailles du travail, prévues par la convention collective Pôle emploi et versées à l’occasion du travail, sont obligatoires et constituent une rémunération perçue pendant la période de référence de calcul de l’indemnité de 13ème mois".
Ils en concluent que ces dernières doivent être intégrées dans l’assiette de calcul de l’indemnité de 13ème mois.
⚙️💰 L’incidence de la décision sur un plan RH et financier
Cet arrêt souligne à quel point la rédaction des accords méritent d’être précise ! Ainsi, en matière de 13ème mois, mieux vaut lister de manière limitative les éléments qui seront inclus dans le calcul de ce "bonus". À défaut, des éléments de rémunération non encore versés au moment de la mise en place du 13ème mois pourraient intégrer ultérieurement l’assiette de calcul et augmenter l’addition.
Il existe également une incertitude lorsque la prime de 13ème mois résulte d’un usage dont les règles sont floues (car non précisées par un accord collectif ou une décision unilatérale).
Aussi, lorsque vous convenez du versement de primes ou d’avantages sociaux, sachez toujours détailler de manière précise le mode de calcul en évitant au maximum tout biais d’interprétation.
En somme, une bonne anticipation rédactionnelle évite bien des surprises en fin d’année... et des coûts inattendus !
📑 Rupture conventionnelle : erreur sur le montant ou le délai ? Retour à la case départ
La rupture conventionnelle offre une alternative souple au licenciement, mais elle s’accompagne d’une procédure rigoureusement encadrée. Une erreur, même mineure, peut conduire à l’annulation de l’accord, comme nous le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 16 octobre 2024 (Cass. soc. 16 octobre 2024, n°23-15.752).
📖 L’histoire : une modification… sans l’accord du salarié
Le cas est classique : après huit ans d’ancienneté, un salarié et son employeur conviennent d’une rupture conventionnelle. L’accord est signé le 24 novembre 2015, mais l’administration refuse de l’homologuer en raison de deux erreurs :
Le montant de l’indemnité : la convention prévoit 10 208,33 € au lieu d’un montant minimum légal de 10 269 €.
La date de rupture : prévue au 4 janvier 2016, alors qu’elle ne pouvait intervenir avant le 5 janvier.
Pour rectifier ces erreurs, l’employeur modifie la convention et la transmet à nouveau à l’administration, qui l’homologue le 8 janvier 2016. Toutefois, cette démarche est réalisée sans en informer le salarié.
S’estimant lésé, ce dernier saisit le Conseil de prud’hommes, demandant l’annulation de la rupture conventionnelle pour non-respect des délais légaux, notamment celui de réflexion de 15 jours après modification.
Si la Cour d’appel rejette sa demande en jugeant que la liberté de consentement du salarié n’était pas affectée par ces modifications mineures, la Cour de cassation en décide autrement.
⚖️ La décision de la Cour de cassation
Les juges rappellent tout d’abord le principe posé par l’article L1237-13 du Code du travail :
"à compter de la date de la signature de la convention de rupture par les deux parties, chacune d'elles dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation".
Ils rappellent également le contenu de l’article L1237-14 du même code :
"à l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. L'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s'assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. À défaut de notification dans ce délai, l'homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie. La validité de la convention est subordonnée à son homologation".
👉 Conséquence d’une interprétation stricte de ces textes : toute modification de la convention, aussi minime soit-elle, doit entraîner un nouveau délai de rétractation. L’absence de ce délai invalide la procédure, quelle que soit l’homologation obtenue. La Cour conclut donc à la nullité de la rupture conventionnelle pour non-respect des délais légaux.
⚙️💰 L’incidence de la décision sur un plan RH et financier
Cet arrêt met en lumière un principe clé : mieux vaut prévenir que guérir. Les erreurs de montant ou de calendrier peuvent non seulement retarder la procédure, mais aussi conduire à son annulation, avec des conséquences financières lourdes. Voici mes recommandations pour sécuriser vos ruptures conventionnelles :
1️⃣ Anticipez avec des marges de sécurité.
Montant de l’indemnité : arrondissez systématiquement à la centaine d’euros supérieure. Cela réduit les risques d’invalidation liés à des erreurs de calcul, surtout en cas de variation du salaire de référence.
Calendrier : ajoutez quelques jours au délai minimal requis avant la date effective de rupture pour pallier tout contretemps administratif ou humain.
2️⃣ Respectez scrupuleusement les délais légaux.
Chaque modification, même mineure, nécessite de relancer la procédure : nouvelle signature, nouveau délai de rétractation et nouveau délai d’homologation.
3️⃣ Privilégiez une communication claire avec le salarié.
Toute modification doit être partagée et validée par les deux parties pour éviter toute contestation ultérieure.
💡 Pourquoi ces précautions sont essentielles ?
Une procédure annulée ne revient pas à zéro : elle peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec des indemnités conséquentes. Dans ce cas précis, le salarié réclamait :
10 000 € d’indemnité de préavis.
21 000 € de dommages et intérêts.
En comparaison, une légère majoration de l’indemnité initiale ou un délai supplémentaire représente un coût bien moindre… et une sécurité juridique renforcée.
❌ Pouvoir disciplinaire : sans règlement intérieur valide, pas de sanction possible.
Le règlement intérieur est bien plus qu’un simple document administratif : il conditionne l’exercice du pouvoir disciplinaire dans l’entreprise. Une récente décision de la Cour de cassation (Cass. soc. 9 octobre 2024, n°22-20.054) illustre avec force l’importance de respecter scrupuleusement les règles de validité et de publicité.
📖 L’histoire : quand une mutation disciplinaire tourne mal
En avril 2017, une salariée d’une entreprise de propreté se voit notifier une mutation disciplinaire. Contestant cette décision, elle refuse de se rendre sur son nouveau lieu de travail.
En réponse, l’employeur convoque la salariée à un entretien préalable le 2 mai 2017, avec mise à pied conservatoire, avant de la licencier pour faute grave le 6 juin suivant.
Bien décidée à faire valoir ses droits, la salariée saisit les prud’hommes pour obtenir l’annulation de la mutation disciplinaire et contester le licenciement. Son argument clé? L’absence de formalités de publicité du règlement intérieur, rendant celui-ci inopposable.
⚖️ La décision de la Cour de cassation
Le raisonnement des juges de cassation est aussi bref qu’implacable. Ils rappellent tout d’abord que :
Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés (seuil désormais de cinquante salariés) que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l'article L. 1311-2 du code du travail
Ils constatent ensuite que l’entreprise ne justifiait pas des formalités de publicité du règlement intérieur. En conséquence, ils concluent à la nullité de la sanction.
Par ailleurs, les juges rappellent que cette nullité impacte également le licenciement, puisque celui-ci reposait principalement sur le refus d’une sanction elle-même invalide. Conséquence : le licenciement est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse entraînant le versement de dommages et intérêts à la salariée (dont le montant s’élève à 12000 euros dans cette affaire sans compter l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis).
💡 Enseignements RH et pratiques
Cet arrêt souligne un point essentiel pour tous les responsables RH : un règlement intérieur mal formalisé, c’est un pouvoir disciplinaire paralysé. Voici un rappel des démarches indispensables pour garantir sa validité :
1️⃣ Dépôt au greffe
Obligation : Le règlement intérieur doit être déposé au greffe du Conseil de prud’hommes compétent.
2️⃣ Publicité et communication
Portée à la connaissance des salariés : Le règlement doit être accessible à tous, par affichage ou via l’intranet. Attention : un affichage limité à des lieux peu fréquentés (comme une salle de pause) peut s’avérer insuffisant.
Moyens modernes : Depuis 2016, l’utilisation d’outils numériques (mail ou intranet) est autorisée, à condition qu’ils soient effectivement accessibles à tous les salariés.
3️⃣ Consultation du CSE
Obligation préalable : Avant toute introduction ou modification du règlement intérieur, il est impératif de consulter le CSE s’il existe. Cette étape est une formalité substantielle, et son absence invalide le règlement.
⚙️ Pourquoi ces règles sont cruciales ?
Un règlement intérieur invalide peut avoir des conséquences financières et juridiques lourdes :
Sanctions disciplinaires annulées, même en cas de faute avérée.
Licenciements fragilisés, notamment si ces derniers s’appuyaient sur le prononcé préalable de sanctions nulles (comme dans le cas d’espèce)
🔍 En résumé : un document à soigner
Le règlement intérieur est un outil indispensable pour sécuriser vos décisions disciplinaires. Mais pour qu’il soit opposable et pleinement efficace, il doit respecter un cadre strict :
Dépôt.
Publicité.
Consultation.
Assurez vous donc que votre règlement est à jour et conforme aux obligations légales. Ce petit effort sécurisera votre recours au pouvoir disciplinaire et permettra d’éviter des contentieux potentiellement coûteux.
C’est tout pour aujourd’hui !
Je suis toujours preneur de vos retours ! Si vous avez 2 minutes, n’hésitez pas à répondre à cette question et à me laisser un commentaire pour me dire ce qui vous a intéressé et ce qui vous a moins plu. Cela m’aidera à améliorer le contenu et à continuer. Merci ! 🙏
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À bientôt pour de nouveaux articles liant chiffres & RH !
Vincent 👋