💰 Pourquoi les impôts devraient (aussi) être un sujet RH ?
#50 - Mieux piloter la rémunération en maîtrisant les règles fiscales
Au programme de cette édition :
🗞 Le condensé de l’info RH en chiffres. Je vous aide à décrypter les chiffres qui font l’actualité afin de vous fournir des repères clairs pour votre pratique RH.
💰 Pourquoi les impôts devraient (aussi) être un sujet RH ? La fiscalité n’est pas qu’un sujet individuel. Elle influence directement la valeur réelle des dispositifs de rémunération mis en place dans l’entreprise.
📊 Trois cas concrets pour mieux comprendre l’impact fiscal sur la rémunération. RTT, heures supplémentaires, avantages complémentaires : ce que chaque levier rapporte vraiment au salarié selon son usage… et comment mieux les valoriser en interne.
⏱️ Temps de lecture : 13 minutes.
Pour ne rien manquer des prochaines éditions, abonnez-vous gratuitement en cliquant ici :
👉 Vous pouvez accéder à plus de mes publications en cliquant ici, ou me retrouver sur LinkedIn.
Bonjour à toutes et à tous !
Je suis très heureux de vous retrouver pour cette nouvelle édition d’un Coût d’Avance.
Dans la dernière édition, je vous ai proposé un petit sondage sur vos fonctions, afin de mieux vous connaître. Avec 100 répondants à ce stade (un bon début !), je souhaitais vous partager les résultats. Vous êtes :
50 % à exercer des fonctions RH et/ou paie (DRH, RRH, gestionnaires RH, responsables paie, gestionnaires ADP / paie…)
15 % à occuper des fonctions de gestion, comptables ou financières (RAF/DAF, contrôleur de gestion, comptable ou expert-comptable…)
6 % à exercer des fonctions de représentants du personnel ou de délégués syndicaux
5 % à occuper des fonctions de juristes en droit social ou d’avocat
24 % à exercer d’autres fonctions parmi lesquelles on retrouve des dirigeants, des consultants, des responsables juridiques, des managers ou encore des communicants (liste non exhaustive)
Un immense merci à tous les répondants. Et pour celles et ceux qui n’ont pas encore participé, le sondage est toujours accessible au début de 👉 cette édition.
Je suis en tout cas ravi de vous compter de plus en plus nombreux à suivre ces publications (vous êtes près de 4 700 abonnés). Mon objectif reste inchangé : vous proposer une information rigoureuse, mais toujours utile et actionnable, à la croisée du droit social, des RH et de la performance économique.
Car je suis convaincu d’une chose : pour remettre les RH au centre du jeu, il faut savoir manier bien plus que les seuls outils RH.
Comprendre les rouages du droit social, de la fiscalité, des équilibres économiques ou des évolutions réglementaires, c’est aussi défendre au mieux les intérêts des salariés, et contribuer activement à la stratégie de l’entreprise.
En vous aidant à décrypter ces enjeux, mon ambition est simple : vous permettre d’anticiper, d’argumenter, de convaincre…
Bref, de toujours avoir un coût d’avance 😉.
Passons maintenant au sujet du jour.
Lorsque je discute avec des salariés et d’autres professionnels RH, j’ai souvent des questions liées à la fiscalité. Et je prends toujours un grand plaisir à y répondre. Mais beaucoup d’entre vous me diront peut-être : “les impôts, ce n’est pas un sujet RH, c’est au salarié de s’en occuper…”
Je comprends tout à fait ce point de vue. Les fonctions RH ont déjà bien assez à faire. Mais en raisonnant ainsi, on se prive de deux leviers majeurs :
Valoriser plus efficacement sa politique de rémunération en mettant en avant ses avantages fiscaux
Apporter un service utile et différenciant aux salariés
Et si les RH ne le font pas, il y a fort à parier que personne ne le fera. Car soyons honnête : qui apprend réellement la fiscalité aujourd’hui ? Quelques juristes spécialisés, les experts-comptables, des banquiers ou des conseillers patrimoniaux… mais rarement les salariés eux-mêmes.
Alors, sans vous proposer un cours exhaustif en la matière, je souhaite vous démontrer, à travers 3 cas pratiques, l’intérêt de maîtriser la fiscalité applicable aux rémunérations salariales. Je vous en parle juste après l’info RH en chiffres :
🗞 L’info RH en chiffres
📈 1 127 304 - C’est le nombre de ruptures de période d’essai de CDI en 2024, soit 29% de plus qu’en 2019 (source DARES). Qu’est-ce qui explique une telle hausse ? Principalement l’augmentation du nombre d’embauches en CDI : en 2024, on dénombrait 4 188 761 embauches en CDI contre 3 892 197 en 2019. Mais l’on constate aussi un taux de rupture de période d’essai plus élevé : désormais, 27 % des embauches se traduisent par une fin de période d’essai (contre 22%, cinq ans plus tôt). Ces chiffres démontrent une inadéquation croissante entre les attentes du candidat et de l’entreprise et la réalité de l’exercice du poste de travail. Ce décalage se traduit par un coût d’embauche plus élevé pour l’entreprise qui devra parfois embaucher plusieurs candidats avant de pourvoir durablement son besoin.
📊 4,9 % - C’est le ratio montant d’intéressement / salaire moyen par bénéficiaire en 2023 (source DARES). Un ratio relativement stable sur la décennie passée où il a varié de 4,5 à 5,1 % du salaire moyen. Ces données permettent de mieux positionner les pratiques de son entreprise par rapport à la moyenne marché. Côté participation, ce ratio tombe à 4,6% en 2023.
🌡 15 jours - C’est la durée moyenne des arrêts maladie pour l’ensemble des salariés en 2024, selon l’édition 2025 du baromètre Absentéisme Malakoff Humanis. Cette moyenne monte à 23 jours pour les salariés âgés de 50 ans et plus. L’étude confirme également une hausse des arrêts liés aux troubles psy : 25 % des arrêts de plus de 30 jours (contre 14% en 2020). Des données qui vont peser lourd dans le budget prévoyance des entreprises à l’heure où la Sécurité sociale abaisse ses niveaux d’indemnisation.
💰 44 milliards d’euros - C’est le montant des économies que le gouvernement souhaite réaliser dans le budget 2026 pour coller avec ses objectifs de réduction des déficits publics (objectif de -2,9 % du PIB en 2029). Pour y parvenir, de nombreuses mesures sociales sont sur la table :
Suppression de deux jours fériés pour augmenter le nombre de jours travaillés sans hausse de rémunération supplémentaire (mais hausse des contributions sociales)
Gel des revalorisations des minima sociaux et du barème de l’impôt sur le revenu
Renégociation des règles de la Convention d’Assurance chômage dans le but de modifier les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi, notamment pour ceux ayant bénéficié d’une rupture conventionnelle
La liste est loin d’être exhaustive. Mais le chemin législatif est encore long jusqu’à l’adoption de ces mesures. Une chose semble néanmoins certaine : des mesures d’économies assez drastiques devront être prises dans les mois à venir, par le gouvernement en place ou le suivant. Et ces dernières auront des répercussions certaines sur le plan RH.
📉 16 milliards d’euros - C’est le montant du déficit prévisionnel de l’assurance maladie pour 2025 selon le dernier rapport de la commission des comptes de la Sécurité sociale. Un déficit qui ne cesse de se creuser alors que la branche était presqu’à l’équilibre en 2019. Ces données démontrent la nécessité d’agir à nouveau, de manière structurelle, pour redresser la situation. Dans ce contexte, il y a fort à parier que de nouveaux transferts de charges s’effectuent vers les systèmes de mutuelle et de prévoyance, augmentant ainsi le coût de la protection sociale pour les entreprises.
💶 6,2 milliards d’euros - C’est le montant du déficit prévisionnel de l’assurance retraite pour 2025 selon le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. Une situation qui se dégrade malgré la récente réforme et qui montre que rien n’est résolu en la matière. Dans son rapport sur la situation financière et perspectives du système de retraites, la Cour des comptes envisageait une dégradation du régime général avec des déficits avoisinant 13 milliards d’euros en 2035 (en fonction de certaines hypothèses : taux de chômage, croissance…). Ces données montrent la nécessité de prévoir une nouvelle réforme du système de retraites dans les années à venir. Pour l’heure, les entreprises ont probablement un rôle à jouer dans le développement des dispositifs de retraites supplémentaires (PERCO, PERO notamment).
💰 Pourquoi les impôts devraient (aussi) être un sujet RH ?
Je sais, l’impôt est un sujet avant tout personnel. Certes, mais cela n’empêche pas d’en parler au sein de l’entreprise. Pas pour donner des conseils fiscaux aux salariés, mais pour les informer clairement sur ce que chaque dispositif de rémunération mis en place leur rapporte réellement, une fois l’impôt payé.
Car en France, on aime multiplier les dispositifs (RTT, participation, intéressement, titres-restaurant, PPV, chèques culture…) Sauf qu’à l’arrivée, on ne sait plus vraiment combien chaque mécanisme rapporte. Dans cette édition, je vous propose trois cas pratiques pour vous montrer que 100 euros bruts peuvent se transformer en 100 euros, 80 euros ou 50 euros net selon le dispositif utilisé.
Mon objectif : vous amener à raisonner en salaire net d’impôt pour optimiser vos pratiques en matière de rémunération.
Cas pratique n°1 : que vaut vraiment un RTT en fonction de son usage ?
De nombreuses entreprises proposent aujourd’hui des RTT. Je parle bien ici de RTT au sens strict et non des JNT pour les forfaits jours, même si le raisonnement peut s’y appliquer aussi.
Pour bien comprendre le sujet, je vous propose de regarder cette infographie dans laquelle je souhaite connaître la valeur des RTT d’un salarié rémunéré 3200 euros brut par mois (salarié célibataire qui ne touche pas d’autres revenus).
Ce qu’elle montre, c’est que le même jour de RTT n’a pas la même valeur selon l’usage qu’on en fait. Pour deux raisons principales :
Selon le mode de monétisation, les exonérations sociales et fiscales ne sont pas les mêmes
La fiscalité applicable dépend du taux marginal du salarié — donc de son revenu
Entrons donc dans le détail.
1️⃣ Si le salarié prend son RTT ou le monétise via son CET, il sera assujetti à impôt et contributions sociales comme s’il touchait son salaire habituel. Notez d’ailleurs que, dans l’infographie, le montant d’impôt indiqué correspond à son impôt moyen. Or, s’il monétisait son RTT via son CET, cela générerait du revenu supplémentaire qui serait taxé à hauteur de son taux marginal d’imposition.
Conséquence : plus un salarié gagne, plus sa tranche marginale d’imposition sera élevée et le gain associé à une monétisation de son RTT faible. Cet élément plaide davantage pour une monétisation selon les modalités 2 et 3.
2️⃣ En cas de placement du RTT sur le PERCO, le montant touché par le salarié sera plus important : il ne paiera pas de cotisation de retraite de base et ne sera pas imposé.
Conséquence : cette option lui permet de toucher 19 % de plus que s’il avait pris directement son RTT sous forme de repos.
3️⃣ En cas de monétisation "directe", le salarié bénéficiera de 25 % de majoration (pour être exact : il bénéficiera de la majoration applicable à la première heure supplémentaire effectuée, soit a minima 10 % et 25 % par défaut). Mais le gain réel en cas de monétisation directe du RTT n’est pas de 25 %. Il est en réalité de 55 % car, en plus de la majoration, le salarié bénéficiera d’une exonération de cotisations sociales et d’une exonération d’impôt.
Cet exemple montre à quel point la fiscalité influe sur la valeur réelle d’un RTT en fonction de son usage. Cet aspect est à prendre en considération lors de la mise en place des différents dispositifs évoqués :
la monétisation d’un RTT a finalement peu d’intérêt
la monétisation via PERCO sera plus avantageuse fiscalement mais l’argent ne sera pas disponible immédiatement. Ce sera l’option la moins coûteuse également pour l’entreprise
une monétisation "directe" coûtera plus cher à l’entreprise du fait de la majoration applicable mais rapportera beaucoup plus au salarié. C’est donc peut être un dispositif à considérer !
Cas pratique n°2 : la majoration réelle des heures supplémentaires
Lorsque l’on raisonne en salaire brut, on pense qu’une heure supplémentaire rapporte 25 % (dans le cas général) de plus qu’une heure habituelle de travail. C’est vrai si l’on raisonne uniquement en salaire brut, mais c’est inexact si l’on raisonne sur ce que cela rapporte vraiment en plus au salarié.
Regardons une nouvelle infographie pour bien le comprendre :
J’ai pris ici l’exemple d’un salarié gagnant 3500 euros brut par mois. Si l’on s’arrête au haut du bulletin de paie, les heures supplémentaires lui rapportent bien 25 % de majoration jusqu’à la 43ème heure supplémentaire par semaine puis 50 % au-delà.
Mais si l’on regarde le détail du bulletin de paie, cela représente bien davantage :
Au niveau du salaire net avant impôt, le gain est respectivement de 45 % et 74 % grâce aux exonérations de cotisations sociales et au fait que le salarié ne paiera pas davantage de mutuelle sur ces heures supplémentaires.
Si l’on s’intéresse ensuite au net après impôt, le gain monte respectivement à 58 % et 90 % grâce à l’exonération fiscale des heures supplémentaires (dans la limite de 7500 euros par an).
Comme vous le voyez, cela change fondamentalement la donne : la majoration réelle est bien supérieure à celle qu’on pense obtenir. En sachant expliquer ce point, on rend bien plus attractive la réalisation des heures supplémentaires. Si l’avantage social (exonération de contributions sociales) profitera de manière égale à tous, le gain fiscal augmentera, quant à lui, en fonction du niveau d’imposition du salarié. Dit autrement, plus un salarié paiera d’impôt, plus les heures supplémentaires seront avantageuses pour lui.
Cas pratique n°3 : les avantages complémentaires
Lorsque l’on parle rémunération des salariés, on ne s’arrête bien évidemment pas au seul salaire. En complément de ce dernier, les entreprises ont la possibilité de verser différents avantages complémentaires qui peuvent augmenter de manière très conséquente le pouvoir d’achat des salariés.
Et ces avantages disposent eux aussi d’avantages fiscaux considérables puisqu’ils ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu.
Je vous ai listé une grande partie de ces dispositifs dans l’infographie ci-dessous en y ajoutant un exemple de ce que cela pourrait représenter en gain salarié par an pour une entreprise qui choisirait de "piocher" dans cette liste. Il ne s’agit évidemment que d’un exemple à adapter avec la réalité de chaque entreprise.
Le problème avec de tels avantages est qu’ils ne sont pas aussi simples à dépenser que du salaire. Alors, les salariés se demandent souvent pourquoi l’entreprise a mis en place ces dispositifs au lieu de recourir à des augmentations salariales.
Pour ma part, je tâche toujours d’expliquer l’intérêt gagnant / gagnant de tels dispositifs.
Prenons donc l’exemple des titres-restaurant (un classique !). Supposons que l’entreprise verse l’équivalent de 1000 euros de part patronale par salarié par an.
Cette contribution coûte 1000 euros à l’entreprise et en rapporte 1000 au salarié, net d’impôt (je ne parle ici que de la part patronale car le salarié devra payer une part salariale en complément qui sera bien assujettie à impôt comme du salaire ordinaire).
Si l’entreprise avait voulu verser cet argent sous forme de salaire, à budget identique, il faudrait :
retenir 40 % de contributions patronales (le taux réel est à adapter à chaque entreprise et chaque niveau de salaire)
retenir 22 % de contributions salariales
retenir un impôt dont le taux varie en fonction de la situation du salarié (prenons un taux marginal d’imposition de 30 %, considérant qu’il s’agit d’un cadre).
À l’arrivée, sur les 1000 euros de budget, on se retrouve avec un peu plus de 400 euros de net en poche, soit près de 60 % de moins que dans l’hypothèse d’un versement sous la forme de titres-restaurant.
Évidemment, la fiscalité ne joue pas seule. Le régime social a également une influence. Cependant, ce que l’on constate, c’est que le ratio gain salarié / coût entreprise est bien moins favorable.
Alors, certes, ces avantages sont moins faciles à utiliser que du salaire, mais si l’on a choisi les "bons dispositifs", ils seront d’autant mieux valorisés par les salariés, compte tenu du gain réel de pouvoir d’achat qu’ils apportent par rapport au salaire ordinaire.
Attention : mon propos n’est pas de remplacer toute hausse de salaire par ce type de dispositif mais de savoir trouver un équilibre pour modérer le coût entreprise tout en améliorant le pouvoir d’achat des salariés.
En résumé
Maîtriser les règles fiscales relatives aux revenus du travail vous permet de :
simuler concrètement le gain net des dispositifs proposés
mieux comprendre les incidences de l’organisation du temps de travail sur la rémunération effective des salariés
valoriser efficacement votre politique de rémunération auprès des salariés
À l’arrivée, je suis convaincu qu’une personne qui comprend précisément la valeur de son package de rémunération a toutes les chances de se sentir mieux valorisée, ce qui jouera favorablement sur la rétention et le turn-over.
Finalement, la maîtrise de la fiscalité sert aussi les intérêts de la fonction RH.
Comment avez-vous trouvé cette édition ?
Je suis toujours preneur de vos retours ! Si vous avez 2 minutes, n’hésitez pas à répondre à cette question et à me laisser un commentaire pour me dire ce qui vous a intéressé et ce qui vous a moins plu. Cela m’aidera à améliorer le contenu et à continuer. Merci ! ❤️
Et pour continuer d’approfondir le sujet, n’hésitez pas à m’envoyer un message à vincent.hagenbourger@gmail.com ou à me laisser un commentaire ici.
Vous pouvez aussi me retrouver sur Linkedin pour suivre toutes mes publications.
Et si vous pensez que le sujet peut intéresser d’autres personnes, n’hésitez pas à partager !
À bientôt pour de nouveaux articles sur Un Coût d’Avance
Vincent 👋
Merci pour cette édition ! Quelle sont les conditions pour bénéficier de la prime Panier ?
Ce que tu n'évoques pas c'est que les tickets restaurant ont un coût très élevé pour les employeurs et les restaurateurs et que les principaux bénéficiaires de cette niche sont en réalité les émetteurs de titres restaurant.
Si les conditions pour bénéficier de la prime Panier sont les mêmes, je ne comprends pas pourquoi on maintient encore de tels dispositifs.