🗞 L'actualité sociale et RH - Mai 2025
# 47 - Les enseignements pratiques des derniers arrêts pour affûter vos réflexes RH
Au programme de cette édition :
⏱ Astreinte ou temps de travail effectif ? Quand la disponibilité devient contrainte : éclairage jurisprudentiel et risque de requalification.
💉 Tests Covid 19 et frais pro : le salarié peut-il réclamer le remboursement des tests lorsqu’ils sont nécessaires à l’accès à son lieu de travail ?
📅 Procédure disciplinaire et arrêt maladie : Faut-il tout recommencer en cas de report de l’entretien préalable ?
💰 Cotisations patronales : Ce que change le dernier décret sur les exonérations… et comment éviter un surcoût de 3 000 € par salarié ?
⏱️ Temps de lecture : 13 minutes
Pour vous inscrire et ne rien rater des prochaines éditions, c’est par ici 👇 :
👉 Vous pouvez accéder à plus de mes publications en cliquant ici, ou me retrouver sur Linkedin.
👉 Et si vous pensez que ces éditions pourraient intéresser d’autres personnes, n’hésitez pas à partager :
Avant de démarrer, je vous partage une ressource qui pourrait vous intéresser. Elle est réalisée par Lucca, Sponsor de l’édition du jour :
Votre boîte à outils des compétences
Saviez-vous que 73 % de salariés pensent devoir développer de nouvelles compétences, mais plus de la moitié d’entre eux ne se sentent pas accompagnés par leur employeur ?
Pour répondre à ce besoin, Lucca a créé une boîte à outils pour vous aider à identifier, évaluer et développer les compétences et les mobilités internes au sein de votre entreprise.
Pour avoir accès à cette ressource, il vous suffit de cliquer 👉 ici.
Bonjour à toutes et tous,
Ravi de vous retrouver après une petite pause dans les parutions. Je reprends le rythme habituel : une édition toutes les deux semaines pour décrypter ensemble l’actualité sociale et RH, toujours avec un éclairage sur ses impacts opérationnels et financiers.
Je vous souhaite une lecture enrichissante !
🎯L’objectif de ce format : revenir sur des décisions de justice et des nouveautés réglementaires ayant marqué l’actualité des dernières semaines, pour vous en expliquer leur portée RH, administrative et/ou financière. En bref, vous permettre de mieux appréhender les conséquences opérationnelles du droit pour vous aider à adapter votre pratique RH face à ces nouveautés.
🔔 Et pour encore plus de contenus, vous pouvez me retrouver sur Linkedin où je publie chaque semaine infographies et news sur les sujets liant RH, paie et finance !
⏱ Astreinte ou temps de travail effectif ? Une frontière à ne pas sous-estimer
L’activité de certaines entreprises exige parfois la présence de personnel disponible en cas de difficulté. Mais il ne s’agit souvent que d’une éventualité. Il n’est alors pas nécessaire de maintenir une présence physique 24 h/24. Pour concilier cette exigence de disponibilité avec une certaine souplesse, il est possible d’organiser des périodes d’astreinte.
L’astreinte est définie comme la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise (article L. 3121-9 du Code du travail).
Mais dans certains cas, la question se pose de savoir s’il s’agit réellement d’une période d’astreinte… ou de temps de travail effectif, tant il est parfois difficile de garantir que le salarié peut librement disposer de son temps entre deux interventions.
Un récent arrêt de la Cour de cassation (Cass. soc., 14 mai 2025, n°24-14.319) nous apporte un éclairage intéressant à cet égard.
🧑🍳 Le contexte :
Un salarié, employé polyvalent dans un hôtel, assurait quatre nuits d’astreinte par semaine, depuis une chambre de fonction. Il pouvait être amené à intervenir en cas de danger pour la sécurité des personnes et des biens dans l’enceinte de l’hôtel.
Il est licencié pour faute grave (mesure non contestée) trois ans après son embauche. À la suite de la rupture de son contrat, il saisit le conseil de prud’hommes de La Rochelle pour demander notamment le paiement d’heures supplémentaires, considérant que ses périodes d’astreinte s’apparentaient davantage à du temps de travail effectif compte tenu de l’intensité des sollicitations des clients et de l’impossibilité de vaquer librement à ses occupations personnelles.
Ces arguments avaient convaincu les conseillers prud’homaux, qui lui avaient accordé plus de 71 000 euros de rappel d’heures supplémentaires (sur trois ans, pour un salaire mensuel de 1 666,34 euros). Mais les juges d’appel n’ont pas retenu cette analyse. Ils ont considéré que seules les périodes d’intervention effective pendant l’astreinte devaient donner lieu à un rappel de salaire, réduisant ainsi le montant des rappels à 7 800 euros.
Compte tenu des enjeux juridiques et financiers, il a décidé de former un pourvoi devant la Cour de cassation.
⚖️ Ce que dit la Cour :
La Cour de cassation casse la décision d’appel avec un raisonnement qui mérite qu’on s’y attarde un instant.
Elle rappelle d’abord que la durée de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles (article L. 3121-1 du Code du travail).
Par opposition, l’astreinte est la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise.
La Cour ajoute une précision importante fondée sur la jurisprudence européenne : la notion de temps de travail effectif, au sens de la directive 2003/88, englobe l’intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d’astreinte, dès lors que les contraintes imposées sont d’une intensité telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour le salarié, de gérer librement son temps et de le consacrer à ses propres intérêts.
Elle demande donc aux juges d’appel de vérifier concrètement si les contraintes imposées pendant l’astreinte sont d’une intensité telle qu’elles empêchent objectivement le salarié de gérer librement son temps.
Autrement dit : ce n’est pas la fréquence des sollicitations seule qui compte, mais le niveau global de contrainte, même en l’absence d’intervention constante.
L’affaire devra donc être réexaminée avec le souci de déterminer si les sollicitations récurrentes des clients de l’hôtel empêchaient effectivement le salarié de consacrer du temps à ses propres intérêts. Un point délicat à établir.
💡 Ce qu’on en retient côté RH / paie :
Voici les principaux enseignements de cette décision pour les équipes RH :
L’astreinte ne doit pas être une “fausse liberté” : si le salarié ne peut effectivement profiter de son temps personnel, même en dehors de toute intervention, la requalification en temps de travail effectif est possible.
En cas de doute, documentez précisément la fréquence, la nature et l’intensité des sollicitations avec des éléments factuels et traçables (journal d’intervention, consignes, planning…).
Veillez à circonscrire les risques : la requalification des astreintes en durée de travail effectif peut entraîner des rappels de salaires conséquents, des congés payés afférents, voire une reconnaissance de travail dissimulé ou une infraction aux durées maximales du travail.
💉 Tests de dépistage du Covid-19 : un faux frais professionnel ?
En 2021, le gouvernement avait imposé la nécessité de disposer d’un passe sanitaire, pour accéder notamment à certains lieux publics et espaces de travail. Dans ce contexte, de nombreux salariés non vaccinés ont dû se soumettre à des tests réguliers pour pouvoir continuer à travailler. Plusieurs ont ensuite demandé le remboursement de ces tests à leurs employeurs, arguant qu’ils avaient été effectués pour répondre aux exigences d’accès à leur lieu de travail. Mais peut-on vraiment parler de frais professionnels dans de telles circonstances ?
Un arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 2025 (Cass. soc., 27 mai 2025, n°24-10.866) tranche clairement la question.
🧑💼 Le contexte :
Un salarié de la SNCF, refusant la vaccination contre le Covid-19, a dû effectuer régulièrement des tests virologiques pour accéder à son lieu de travail. Estimant que ces tests avaient été effectués pour continuer à exercer son activité professionnelle, il en demandait le remboursement à son entreprise. Face au refus de cette dernière, il a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement de ce qu’il considérait être des frais professionnels.
Le conseil de prud’hommes de Bobigny lui a donné raison en condamnant la SNCF à rembourser les tests réalisés par le salarié. Face à cette décision, l’entreprise a décidé de se pourvoir en cassation, craignant certainement d’avoir des demandes de remboursement à la pelle au sein de son personnel.
⚖️ Ce que dit la Cour :
La Cour de cassation casse le jugement et précise que les tests Covid-19, effectués par un salarié non vacciné dans le cadre des obligations légales liées au passe sanitaire, ne constituent pas des frais professionnels remboursables.
Pour justifier sa décision, elle raisonne en deux temps :
Les frais professionnels doivent être engagés dans le cadre et pour les besoins de l’activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur ;
Or ici, l’obligation de test est imposée par la loi, pour des raisons de santé publique, indépendamment de l’exercice professionnel. Elle précise d’ailleurs que l’obligation de présenter un test virologique négatif n’est pas inhérent à l’emploi du salarié mais à la nécessité d’accéder à des lieux déterminés par la loi, au nombre desquels figurent les locaux de l’entreprise, dans un objectif de protection de la santé publique.
Conclusion : Même si le salarié effectue ces tests pour accéder à son lieu de travail, ils n’ont pas été réalisés dans l’intérêt de l’employeur et ne peuvent donc être considérés comme des frais professionnels.
Dès lors, l’entreprise n’est pas tenue de les rembourser.
💡 Ce qu’on en retient côté RH / paie :
Ce n’est pas parce qu’un salarié engage une dépense pour se rendre sur son lieu de travail qu’il s’agit automatiquement de frais professionnel. Pour être qualifiée comme tel et permettre une prise en charge effective par l’entreprise, cette dépense doit remplir trois critères cumulatifs :
Être nécessaire à l’activité professionnelle (ce qui exclut les obligations personnelles imposées par la loi),
Être exposée dans l’intérêt de l’employeur,
Être justifiée par des documents probants (factures, notes de frais, etc.).
👉 Ce rappel est l’occasion de revoir votre politique de remboursement des frais professionnels. Mieux vaut prévenir les malentendus que gérer un contentieux.
Clarifiez les règles par écrit : quels types de dépenses sont remboursables ? Quelles sont les pièces exigées ?
Pensez à intégrer un rappel régulier à vos équipes RH et managers pour éviter les interprétations extensives.
Et surtout : veillez à ce que votre politique soit cohérente avec la jurisprudence actuelle… car un simple oubli ou une ambiguïté peut coûter cher.
📅 Procédure disciplinaire : faut-il tout recommencer en cas de report de l’entretien ?
Lorsqu’un salarié est convoqué à un entretien préalable et que l’employeur décide de reporter l’entretien (notamment pour cause d’arrêt maladie), doit-il recommencer toute la procédure ? C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans un arrêt du 21 mai 2025 (Cass. soc., 21 mai 2025, n°23-18.003).
🔍 Le contexte :
Une serveuse d’un restaurant martiniquais est convoquée à un entretien préalable à licenciement, assorti d’une mise à pied conservatoire, suite à une altercation avec sa supérieure hiérarchique. La lettre de convocation du 31 octobre 2016 fixe l’entretien au 9 novembre suivant. Cependant, la salariée étant arrêtée pour maladie entre-temps, l’employeur décide de reporter l’entretien au 30 novembre, en l’informant par un courrier du 24 novembre.
La salariée conteste alors la validité de la procédure disciplinaire, au motif que le délai de 5 jours ouvrables prévu entre la présentation de la convocation et la date de l’entretien n’aurait pas été respecté pour cette seconde convocation.
⚖️ Ce que dit la Cour :
La Cour de cassation rappelle qu’en cas de report à l’initiative de l’employeur en raison de l’état de santé du salarié, il n’est pas nécessaire de recommencer toute la procédure disciplinaire.
Elle souligne que la première convocation respectait bien les exigences légales (article L.1232-2 du Code du travail), avec un délai d’au moins 5 jours ouvrables entre la présentation de la convocation et la date de l’entretien initial.
Dès lors, en cas de report, l’employeur n’est pas tenu de respecter à nouveau ce délai minimum : il doit simplement informer le salarié, en temps utile et par tout moyen, de la nouvelle date de l’entretien.
👉 C’est donc le respect des délais lors de la première convocation qui conditionne la régularité de la procédure, et non celle de la date reportée.
💡 À retenir côté RH :
Les procédures de licenciement exigent une grande rigueur, en particulier s’agissant du respect des délais. Voici ce qu’il faut retenir dans ce cas de figure :
🔁 Le report de l’entretien préalable en cas d’arrêt maladie est possible, mais pas obligatoire.
📬 En cas de report, aucun formalisme spécifique n’est exigé, mais il est fortement recommandé de prévenir le salarié par écrit (mail avec accusé de réception, remise en main propre, LRAR…).
⏳ Le délai d’un mois pour notifier la sanction (dans le cas d’un licenciement disciplinaire) court à partir de la date de l’entretien initial, et non du report. Ce point est crucial : tout dépassement peut entraîner une requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Je vous invite d’ailleurs à relire, cette édition pour en avoir une illustration.
Noter enfin que les conséquences indemnitaires ne seront pas identiques en fonction du manquement : le non respect du délai de 5 jours entre la convocation et l’entretien entraînera, le versement d’une indemnité pouvant représenter, au maximum un mois de salaire (à condition que le licenciement ne soit pas dépourvu de cause réelle et sérieuse). En revanche, la notification du licenciement au-delà du délai d’un mois conduira au versement d’une indemnité potentiellement bien supérieure, en application du barème prévu à l’article L1235-3 du Code du travail : le montant minimal dépendra alors de l’effectif de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié.
💰 Exonérations de cotisations patronales : comment le dernier décret impacte votre masse salariale ?
Terminons cette édition avec un point important : le décret n°2025-318 du 4 avril dernier.
🔎 Pourquoi ce texte est-il important ?
Parce qu’il vient modifier les seuils d’application de plusieurs dispositifs de réduction de cotisations patronales. Regardons ce que cela signifie concrètement.
📉 Ce que prévoyait la LFSS 2025 :
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a modifié les seuils d’exonération de deux contributions patronales importantes :
Le complément maladie (6 % du salaire brut),
Le complément "allocations familiales" (1,8 % du salaire brut).
Jusqu’alors :
Le complément maladie ne s’appliquait qu’aux salaires > 52 416 €/an (2,5 SMIC 2023, soit 4 368 €/mois).
Le complément allocations familiales ne s’appliquait qu’aux salaires > 73 382 €/an (3,5 SMIC 2023, soit 6 115 €/mois).
La LFSS 2025 avait abaissé ces seuils :
à 2,25 SMIC (47 172 €),
et 3,3 SMIC (69 180 €),
👉 Mais elle continuait à utiliser la valeur du SMIC de fin 2023 comme référence.
Avec le décret d’avril 2025, les seuils de 2,25 SMIC et 3,3 SMIC doivent être calculés sur la base du SMIC en vigueur au 1er janvier 2025 (article 1 du décret). Cet ajustement n’est pas neutre dans vos calculs. Je vous illustre cela avec les infographies ci-dessous :
Avant le décret :
→ Évolution prévue des contributions patronales (base : entreprise < 50 salariés, hors mutuelle et prévoyance)
Après intégration du décret :
→ Évolution corrigée tenant compte de la mise à jour des seuils
Ce que cela signifie concrètement :
L’abaissement des seuils est un peu moins fort que prévu. Et c’est plutôt une bonne nouvelle pour vos budgets RH !
👉 Si vous le pouvez, évitez de franchir le seuil de 48 648 € brut annuel (soit le nouveau seuil de 2,25 SMIC au 1er janvier 2025) car ce dépassement entraînera un surcoût de près de 3 000 € de cotisations patronales par salarié concerné. Vous pouvez peut-être privilégier des modes de rémunération alternatifs en ce sens.
Et si vous devez malgré tout procéder à des augmentations, vous serez au moins en mesure d’en anticiper l’impact.
💡 Si vous souhaitez mieux comprendre comment les évolutions législatives et réglementaires de début 2025 impactent vos budgets RH, je vous conseille 👉 ce book concret et pédagogique que nous avons réalisé avec Jean-Julien Jarry (Barthélémy Avocats).
Merci d’avoir lu cette édition. Je suis toujours preneur de vos retours ! Si vous avez 2 minutes, n’hésitez pas à répondre à cette question et à me laisser un commentaire pour me dire ce qui vous a intéressé et ce qui vous a moins plu. Cela m’aidera à améliorer le contenu et à continuer. Merci ! 🙏
Et pour continuer d’approfondir le sujet, n’hésitez pas à m’envoyer un message à vincent.hagenbourger@gmail.com ou à me laisser un commentaire ici.
Vous pouvez aussi me retrouver sur Linkedin pour suivre toutes mes publications.
Et si vous pensez que le sujet peut intéresser d’autres personnes, n’hésitez pas à partager !
À bientôt pour de nouveaux articles liant chiffres & RH !
Vincent 👋