🗞 Harcèlement moral institutionnel : quelles responsabilités pour les entreprises? Et les actus sociales à ne pas manquer
# 42 - L’impact chiffres & RH de l'actualité sociale - Février 2025
Au programme de cette édition :
❌ Harcèlement moral institutionnel : vers une responsabilité accrue des comités de direction ?
🛳 Licenciement pour faits tirés de la vie privée : où placer la limite ?
📆 Respect de la procédure disciplinaire : le report de l’entretien préalable n’allonge pas le délai de licenciement !
🚗 Véhicule mis à disposition des salariés : comment s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un avantage en nature ?
⏱️ Temps de lecture : 17 minutes
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Bonjour à toutes et tous,
J’espère que tout va bien pour vous et que vous réussissez à passer entre les virus hivernaux. Je suis ravi de vous retrouver pour cette nouvelle édition !
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voulais vous remercier. Vous êtes de plus en plus nombreux à suivre Un Coût d’Avance, et vos retours montrent un véritable besoin d’analyses concrètes et actionnables sur les liens entre RH et chiffres.
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L’actualité jurisprudentielle de ces dernières semaines a été dense. J’ai donc sélectionné 4 thématiques clés qui auront, à n’en pas douter, un impact direct sur vos pratiques RH.
📩 Bonne lecture et, comme toujours, hâte d’avoir vos retours ! 🙂
🎯L’objectif de ce format : revenir sur des décisions de justice et des nouveautés réglementaires ayant marqué l’actualité des dernières semaines, pour vous en expliquer leur portée RH, administrative et/ou financière. En bref, vous permettre de mieux appréhender les conséquences opérationnelles du droit pour vous aider à adapter votre pratique RH face à ces nouveautés.
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❌ Harcèlement moral institutionnel : vers une responsabilité accrue des comités de direction?
Le Code pénal français prévoit un arsenal répressif pour toutes les atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne (articles 222-1 à 222-67 du Code pénal). Parmi ces dernières, on retrouve le harcèlement moral (article 222-33-2), notion qui revient, hélas, de plus en plus souvent en entreprise. Dans un schéma classique, l’auteur du harcèlement entretient une relation directe avec sa ou ses victimes qui sont individuellement identifiées.
Cependant, ces caractéristiques ne sont pas nécessaires à la reconnaissance d’une situation de harcèlement moral comme l’illustre un récent arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation dans une affaire mettant en cause la responsabilité des anciens dirigeants de France Télécom dans la dégradation des conditions de travail des salariés de cette entreprise (Cass. Crim. 21 janvier 2025, n°22-87.145).
📖 Retour sur les faits : une réduction d’effectifs à marche forcée
En 2006, les dirigeants de France Telecom ont annoncé un vaste plan de transformation de l’entreprise à travers le plan Next (Nouvelle Expérience des Télécoms) reposant sur une importante réduction des effectifs de l’entreprise, à savoir 22.000 salariés ou agents (statut de fonctionnaires) sur un effectif total d’environ 120.000 personnes.
Mais la réalisation de ces départs ne pourra pas se faire par de classiques licenciements économiques dans la mesure où une grande partie des effectifs visés par ces mesures étaient fonctionnaires. De plus, l’entreprise qui est alors fortement endettée cherche à tout prix à faire des économies. C’est dans ce contexte que des mesures “poussant les salariés au départ” vont être mises en oeuvre par le management de l’entreprise. On parle ici d’agissements tels que :
des mobilités forcées
l’affectation à des missions dévalorisantes
des manœuvres d’intimidation
la mise en place d’objectifs irréalisables
des rétrogradations…
Ces manœuvres ont instauré un climat de travail délétère. Entre 2008 et 2011, les médias se sont fait l’écho d’une vague de suicides d’origine professionnelle au sein de l’entreprise : plus de soixante employés se sont suicidés selon un recensement de l’Observatoire du stress et des mobilités forcées créé par les syndicats CFE-CGC et SUD-PTT.
Dans ce contexte, en 2009, le syndicat Sud-PTT a déposé plainte pour harcèlement moral contre la société et plusieurs de ses dirigeants.
Suite à l’instruction judiciaire du dossier, la Cour d’appel de Paris avait finalement reconnu quatre dirigeants coupables de harcèlement moral et de complicité de harcèlement moral, les condamnant à différentes peines de prison avec sursis et au versement d’amendes.
Contestant cette décision, ces derniers ont formé un pourvoi en cassation.
⚖️ Décision de la Cour de cassation : condamnation des dirigeants pour harcèlement moral institutionnel
Pour se défendre, les anciens dirigeants de France Télécom ont avancé de nombreux arguments que je ne vais pas reprendre ici de manière exhaustive. Je vous en propose une petite synthèse :
1️⃣ Atteinte à la liberté d'entreprendre : Ils ont soutenu que l'interprétation de l'article 222-33-2 du Code pénal portait atteinte à la liberté d'entreprendre, car elle incriminait toute politique d'entreprise ayant pour effet une dégradation des conditions de travail, même si cette dégradation n'était pas intentionnelle. Autrement dit : la définition du harcèlement moral institutionnel proposé par les juges était contraire à un principe constitutionnel, ce qui rendait impossible l’existence d’une telle infraction.
2️⃣ Absence de relations interpersonnelles : Ils ont argué que le harcèlement moral ne pouvait être reconnu que dans des relations interpersonnelles entre l'auteur des agissements et une ou plusieurs personnes déterminées. Or, en l’espèce de telles relations n’étaient pas caractérisées, ce qui rendait l’infraction inexistante.
3️⃣ Critique de l’interprétation extensive et imprévisible de la loi pénale : en droit pénal, les lois sont d’interprétation strictes. On ne peut condamner un prévenu sur le fondement d’un texte qui ne prévoyait pas un cas particulier ou dont l’interprétation ne permettait pas une telle application. Les dirigeants de France Telecom ont donc argué du fait que le harcèlement institutionnel était une interprétation extensive du harcèlement moral qui n’était pas une interprétation stricte du texte d’origine. De plus, ils évoquaient qu’il n’était pas possible de savoir que le texte pourrait être interprété de cette manière et qu’ainsi, ils ignoraient l’existence d’une telle infraction.
La Cour de cassation a rejeté l’ensemble des arguments des anciens dirigeants de France Télécom.
À l’occasion de cet arrêt, elle en a profité pour reconnaître une interprétation extensive de la notion de harcèlement moral telle qu’elle ressortait des travaux législatifs et de l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme du 29 juin 2000 consacré au harcèlement moral au travail. Ce dernier distinguait trois formes de harcèlement moral :
1️⃣ le harcèlement individuel, pratiqué dans un but purement gratuit de destruction d'autrui et de valorisation de son propre pouvoir
2️⃣ le harcèlement professionnel organisé à l'encontre d'un ou plusieurs salariés, précisément désignés, destiné à contourner les procédures légales de licenciement
3️⃣ le harcèlement institutionnel qui participe d'une stratégie de gestion de l'ensemble du personnel
Elle s’est également appuyée sur un avis du Conseil économique et social du 11 avril 2001, plaidant pour une définition extensive du harcèlement moral dans l’interprétation à donner aux dispositions de la loi pénale.
La Cour de cassation conclut donc à la reconnaissance de la notion de harcèlement moral institutionnel qu’elle définit ainsi : indépendamment de toute considération sur les choix stratégiques qui relèvent des seuls organes décisionnels de la société, constituent des agissements pouvant caractériser une situation de harcèlement moral institutionnel, les agissements visant à arrêter et mettre en oeuvre, en connaissance de cause, une politique d'entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d'atteindre tout autre objectif, qu'il soit managérial, économique ou financier, ou qui a pour effet une telle dégradation, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de ces salariés, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.
⚙️💰 L’incidence de la décision sur un plan RH
Cette décision de la Cour de cassation marque un tournant pour les comités de direction et les instances dirigeantes. Si la politique d’entreprise reste une prérogative managériale, elle ne peut être mise en œuvre au détriment des droits et de la dignité des salariés. Désormais, toute stratégie visant à fragiliser les collaborateurs afin de les pousser vers la sortie, notamment en période de restructuration, expose directement les dirigeants à une responsabilité pénale.
📌 Ce que les directions doivent retenir
1️⃣ Un cadre managérial sous surveillance
Les décisions stratégiques doivent être pensées en tenant compte de leur impact sur les conditions de travail. Une politique, même dictée par des objectifs économiques ou de compétitivité, ne doit pas altérer la santé physique et mentale des salariés. Une vigilance accrue est nécessaire, notamment lors de restructurations ou de réductions d’effectifs.
2️⃣ Des pratiques RH à sécuriser
Les services RH jouent un rôle clé dans la prévention du harcèlement moral institutionnel. Ils doivent s’assurer que les mesures mises en place (mobilités, suppressions de postes, restructurations) respectent les principes fondamentaux du droit du travail. La mise en place d’indicateurs internes sur la qualité de vie au travail et l’instauration d’un dialogue social de qualité peuvent limiter de tels risques.
3️⃣ Une responsabilité désormais bien définie
Avec cette décision, la jurisprudence ne laisse plus place à l’ambiguïté : une politique d’entreprise ne peut pas servir de paravent pour justifier une dégradation des conditions de travail. Les dirigeants peuvent être personnellement tenus responsables et condamnés, même en l'absence d’intentionnalité manifeste.
🛠️ Bonnes pratiques pour éviter tout risque
✅ Évaluer les risques psychosociaux : Intégrer l’impact des décisions stratégiques sur la santé des salariés via des audits réguliers et des enquêtes internes.
✅ Former les managers et les dirigeants : Les sensibiliser aux risques juridiques liés à la gestion du personnel et à la prévention du harcèlement moral.
✅ Renforcer le dialogue social : Associer les représentants du personnel aux décisions structurantes pour anticiper les tensions et ajuster les politiques de transition (les alertes des instances du personnel et de la médecine du travail avaient été totalement ignorées dans l’affaire France Telecom).
✅ Documenter les décisions RH : Justifier objectivement chaque mesure de réorganisation pour démontrer leur légitimité et prévenir tout risque juridique.
🚨 Conclusion : un avertissement pour toutes les entreprises
Ce précédent judiciaire impose aux dirigeants une grande vigilance quant à leurs méthodes managériales et RH pour éviter toute dérive assimilable à du harcèlement institutionnel. Les restructurations et évolutions stratégiques doivent être menées avec prudence, transparence et respect des collaborateurs. Faute de quoi, la responsabilité pénale des décideurs pourra être engagée, avec des sanctions lourdes à la clé. Un rappel essentiel dans un monde du travail en constante mutation.
🛳 Licenciement pour faits tirés de la vie privée : où placer la limite ?
Peut-on licencier un salarié pour des faits relevant de sa vie privée ? En principe, non, sauf si ces faits constituent un manquement à une obligation découlant du contrat de travail. Pourtant, en pratique, la frontière peut être floue, comme l’illustre une récente décision de la Cour de cassation du 22 janvier 2025 (Cass. soc. 22 janvier 2025, n°23-10.888).
📖 Retour sur les faits : un incident sur une croisière d’entreprise
Dans cette affaire, une vendeuse de la société SFR avait participé à une croisière en Floride organisée du 26 au 31 mars 2015 par son employeur pour récompenser les salariés lauréats d’un concours interne.
Lors de ce séjour, la salariée a été prise en flagrant délit de non-respect des règles de sécurité :
🚬 Elle a fumé un narguilé dans sa cabine en présence d’une collègue enceinte.
🚨 Elle a volontairement obstrué le détecteur de fumée, ce qui a entraîné un incident à bord.
Informé de la situation, le commandant du navire a ordonné son débarquement anticipé, contraignant SFR à organiser son rapatriement en urgence et à assumer des frais supplémentaires.
À son retour, l’entreprise a décidé de licencier la salariée pour faute, considérant que son comportement avait :
✅ Mis en danger la sécurité des autres passagers.
✅ Porté atteinte à l’image de l’entreprise.
Contestant cette décision, la salariée a saisi les tribunaux. Après un arrêt d’appel favorable à la salariée, l’employeur s’est pourvu en cassation.
⚖️ Position de la Cour de cassation : un licenciement sans cause réelle et sérieuse
La Cour de cassation a rejeté l’argumentaire de SFR et confirmé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, en rappelant plusieurs principes fondamentaux :
📌 1. Un fait relevant de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire : Sauf manquement à une obligation contractuelle, un employeur ne peut sanctionner un salarié pour des faits relevant de sa sphère privée. Or, les faits n’étaient pas commis durant le temps de travail et la salariée n’était donc pas soumise à un lien de subordination et n’enfreignait pas un règlement interne de l’entreprise.
📌 2. Un trouble dans l’entreprise n’est pas suffisant pour justifier un licenciement : SFR invoquait une atteinte à son image et des coûts financiers engendrés par le rapatriement. Mais la Cour a jugé que ces éléments ne constituaient pas un trouble suffisamment caractérisé pour justifier un licenciement.
📌 3. Le cadre du voyage ne change rien à la nature des faits : Bien que ce séjour ait été organisé et financé par l’employeur, la salariée y participait dans un cadre touristique, non professionnel.
🚨 Conclusion : L’employeur ne pouvait pas sanctionner la salariée pour un comportement survenu en dehors du cadre du travail, même s’il avait des conséquences indirectes pour l’entreprise.
⚙️💰 Incidences sur le plan RH et financier : comment éviter ce type de situation ?
Cette affaire démontre à quel point la gestion disciplinaire de comportements déviants peut être problématique lors de voyages financés par l’entreprise. En réalité, il convient de bien différencier les évènements d’entreprise impliquant une participation obligatoire des salariés, des voyages "récompenses" évoqués dans cet arrêt.
Ainsi, les séminaires réalisés à l’initiative de l’entreprise et impliquant la participation des salariés sur les jours habituels de travail permettront plus facilement de sanctionner des manquements éventuels du fait qu’ils se produisent durant le temps de travail.
Dans tous les cas, pour devancer d’éventuelles difficultés, il est plus que souhaitable de rappeler aux salariés participant l’ensemble des règles de bonne conduite. Par ailleurs, l’entreprise a tout intérêt à prévenir également d’éventuels débordements au travers de l’organisation même des évènements : éviter des activités à risques, limiter la consommation d’alcool…
S’agissant de voyages touristiques, hors du temps de travail, il faudra être prêt à assumer certains manquements qui ne pourront pas être sanctionnés disciplinairement, comme dans le cas d’espèce. À l’avenir, il conviendra peut-être de privilégier d’autres types de récompenses pour prévenir tout débordement et des contentieux coûteux (SFR a dû verser 18.000 euros de dommages et intérêts à la salariée, sans compter les frais de justice).
📆 Respect de la procédure disciplinaire : le report de l’entretien préalable n’allonge pas le délai de licenciement !
La procédure de licenciement est encadrée par des règles strictes, et leur respect est essentiel pour éviter toute remise en cause ultérieure de la rupture du contrat. Le délai d’un mois entre l’entretien préalable et la notification du licenciement disciplinaire fait partie de ces règles impératives. Un récent arrêt de la Cour de cassation (Cass. soc. 18 décembre 2024, n°23-18.274) vient rappeler que ce délai ne peut être prolongé unilatéralement par l’employeur, même en cas de circonstances exceptionnelles.
📖 Retour sur les faits : un report de l’entretien qui coûte cher à l’employeur
Dans cette affaire, un employeur avait initié une procédure de licenciement disciplinaire à l’encontre d’une salariée et l’avait convoquée à un entretien préalable fixé au 6 octobre 2020. Cependant, en raison du contexte sanitaire lié à la pandémie de Covid-19, il avait jugé préférable de reporter cet entretien pour garantir le respect des mesures d’hygiène.
Finalement, l’entretien s’est tenu le 22 octobre 2020, et la salariée a été licenciée le 10 novembre suivant.
Estimant que ce licenciement était tardif – car notifié plus d’un mois après la date initialement prévue pour l’entretien –, la salariée a contesté la validité de la décision et saisi les tribunaux.
Condamné en appel pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur a porté l’affaire devant la Cour de cassation.
⚖️ Décision de la Cour de cassation : un délai impératif, même en cas de report
La Cour de cassation a confirmé la décision des juges d’appel et rappelé un principe clé : le report de l’entretien préalable par l’employeur n’allonge pas le délai de notification du licenciement.
Elle a souligné que ce report, décidé unilatéralement par l’employeur, ne reposait sur aucune contrainte légale ou obligation impérieuse. En effet, en octobre 2020, aucune mesure de confinement ou de prorogation des délais n’était en vigueur. Dès lors, le délai d’un mois devait être calculé à partir de la date initialement prévue pour l’entretien, soit le 6 octobre 2020, et non à partir de la date effective de l’entretien.
Ainsi, la notification du licenciement intervenue le 10 novembre 2020 était hors délai, rendant la rupture du contrat abusive.
⚙️💰 L’incidence de la décision sur un plan RH et financier
👉 Respectez scrupuleusement les délais légaux : Le délai d’un mois entre l’entretien préalable et la notification du licenciement est impératif. Un report, même justifié par des circonstances exceptionnelles, ne suspend pas ce délai, sauf disposition légale spécifique.
👉 Anticipez les contraintes organisationnelles : Si un report est envisagé, assurez-vous qu’il n’affecte pas les délais légaux. Si besoin, optez pour des solutions alternatives : entretien à distance, réorganisation interne ou ajustement des disponibilités pour éviter tout retard.
👉 Soyez cohérents avec la gravité des faits reprochés : Même lorsque le délai d’un mois est respecté, un licenciement pour faute grave notifié tardivement peut fragiliser la procédure. En effet, la faute grave suppose que le maintien du salarié dans l’entreprise soit impossible. Attendre trois semaines avant de prononcer la rupture peut être interprété comme une incohérence en cas de contentieux.
Cet arrêt rappelle aux employeurs qu’une procédure disciplinaire ne s’improvise pas. Tout report ou ajustement doit donc être précisément justifié et maîtrisé afin d’éviter le paiement de dommages et intérêts.
🚗 Véhicule mis à disposition des salariés : comment prouver qu’il ne s’agit pas d’un avantage en nature ?
Mettre un véhicule à disposition de ses salariés peut être un véritable atout, mais attention aux pièges ! Dès lors qu’un salarié peut utiliser le véhicule à des fins personnelles, cela constitue un avantage en nature, soumis à cotisations sociales. Et c’est précisément sur ce point que les contrôles URSSAF peuvent être redoutables.
Un récent arrêt de la Cour de cassation (Cass. soc., 9 janvier 2025, n°22-15.766) vient rappeler que la frontière entre usage professionnel et usage personnel doit être strictement documentée.
📖 Retour sur les faits : une entreprise épinglée par l’URSSAF
Une entreprise avait mis à disposition de ses salariés des véhicules loués auprès d’un prestataire externe. Ces véhicules servaient à la fois pour les déplacements professionnels et, potentiellement, pour des trajets personnels.
Afin d’éviter toute qualification d’avantage en nature, l’entreprise avait mis en place un système spécifique :
✅ Elle réglait directement à la société de location les factures liées aux kilomètres parcourus à titre professionnel.
✅ Les salariés devaient, quant à eux, assumer personnellement les coûts liés à un usage privé du véhicule.
Le problème ? Lors d’un contrôle, l’URSSAF a constaté que l’employeur n’était pas en mesure de justifier précisément les distances parcourues à titre professionnel. Impossible donc de prouver que les paiements effectués couvraient exclusivement les déplacements professionnels.
👉 Résultat : l’URSSAF a considéré que la prise en charge de l’entreprise couvrait aussi des trajets personnels, entraînant une requalification en avantage en nature et un redressement à la clé !
L’employeur a contesté cette décision devant la Cour de cassation, affirmant que le véhicule n’était pas mis à disposition permanente des salariés aux frais de l’entreprise.
⚖️ Décision de la Cour de cassation : la preuve de l’usage strictement professionnel incombe à l’employeur
La Cour de cassation a rejeté les arguments de l’entreprise et a rappelé un principe clé : C’est à l’employeur d’apporter la preuve que le véhicule est utilisé uniquement à des fins professionnelles.
En l’espèce, les factures du loueur ne suffisent pas. L’entreprise doit être en mesure de fournir :
✅ Un relevé précis des kilomètres parcourus pour des missions professionnelles.
✅ Une justification claire des trajets réalisés, en distinguant ceux effectués pour l’entreprise de ceux réalisés à titre personnel.
Sans ces éléments, la prise en charge par l’employeur risque d’être considérée comme un avantage en nature déguisé, soumis aux charges sociales.
⚙️💰 RH et finances : comment éviter le piège du redressement URSSAF ?
En matière d’avantages en nature, il n’y a pas de place pour l’approximation ! Dès lors qu’un véhicule peut être utilisé à titre personnel aux frais de la société, le risque de requalification en avantage en nature est réel. Il faut donc s’aménager une preuve solide quant à l’usage exclusivement professionnel de ce dernier.
Voici quelques bonnes pratiques pour sécuriser l’usage des véhicules de société :
✅ Mettre en place un suivi rigoureux : tenir un registre précis des kilomètres effectués pour des missions professionnelles.
✅ Établir des fiches de déplacements détaillées : noter les trajets réalisés, dates des trajets, les lieux visités et la nature des missions.
✅ Clarifier les règles internes : formaliser une politique d’utilisation des véhicules et informer les salariés sur leurs obligations.
✅ Exclure les trajets habituels domicile-travail : rappelons que les trajets réalisés entre le domicile du salarié et son lieu de travail habituel ne sont pas considérés comme des déplacements professionnels.
Un contrôle URSSAF peut porter sur les trois dernières années : mieux vaut donc anticiper et documenter pour être en mesure d’apporter des éléments tangibles le moment venu.
📌 Et pour aller plus loin, découvrez l’infographie récapitulative du coût d’un véhicule sous forme d’avantage en nature (évalué ici forfaitairement à 200 euros) :
Merci d’avoir lu cette édition. Je suis toujours preneur de vos retours ! Si vous avez 2 minutes, n’hésitez pas à répondre à cette question et à me laisser un commentaire pour me dire ce qui vous a intéressé et ce qui vous a moins plu. Cela m’aidera à améliorer le contenu et à continuer. Merci ! 🙏
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À bientôt pour de nouveaux articles liant chiffres & RH !
Vincent 👋